Intervention de Michel Piron

Réunion du 16 avril 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron, co-rapporteur :

Concernant les notaires, rappelons qu'en mai 2001, la CJCE a décidé qu'une condition de nationalité ne peut être imposée aux notaires et estimé, quant à l'application de la directive, qu'il n'était pas exclu qu'il puisse exister une obligation de mise en oeuvre de la directive mais que cette obligation n'était pas suffisamment claire au moment de la procédure d'infraction. Dans sa proposition initiale, la Commission a donc voulu inclure les notaires dans le champ de la directive.

Suite à des négociations assez tendues entre la Commission, le Parlement et les États opposés à cette inclusion - France, Italie, Belgique, Allemagne, Pologne notamment - il a été décidé au Conseil d'exclure explicitement les notaires du champ de la directive et de proposer une clause de rendez-vous dans trois ou quatre ans.

La France a soutenu cette position, eu égard notamment à l'exercice de l'autorité publique par cette profession. L'inclusion des notaires dans le champ de la directive pose en effet de réels problèmes du fait de leurs missions et statuts particuliers dans de nombreux pays, à l'instar de la France, mais à l'inverse d'autres pays tels que le Royaume-Uni, où la profession de notaire n'existe pas.

Toutefois, au Parlement européen, alors que la rapporteur française soutenait l'exclusion, le compromis finalement adopté par la Commission IMCO, à la suite d'un revirement de position des notaires allemands et français craignant de ne pas obtenir l'exclusion, prévoit une inclusion strictement limitée à la reconnaissance des qualifications en vue de l'établissement - la libre prestation de service étant exclue -, dans le strict respect des procédures nationales de nomination et avec une interdiction de s'établir dans deux États.

Lors du Coreper du 1er mars dernier, trois groupes d'États se sont dégagés : une grande partie des États se sont montrés favorables à l'approche proposée par la Présidence ; d'autres, qui prônaient aussi initialement une exclusion des notaires du champ de la directive, ont appelé à un rapprochement avec la proposition du Parlement européen ; enfin, une minorité d'États, dont la France, demeurent favorables à une exclusion complète sans clause de révision.

L'issue sur cette question est donc encore incertaine actuellement et un éventuel nouveau compromis est à prévoir lors du troisième trilogue où la question des notaires sera abordée.

Nous considérons pour notre part, comme le Gouvernement français, que la profession de notaires doit être exclue de manière expresse et totale du champ de la directive, au regard de l'exercice de l'autorité publique par cette profession en France et dans plusieurs autres pays de l'Union.

Par ailleurs, la France, opposée à l'accès partiel à une profession, a souhaité que celui-ci revête un caractère exceptionnel et puisse être refusé pour toute raison impérieuse d'intérêt général, telle que la santé ou la sécurité publiques. Ces demandes ont été largement entendues par le Conseil, qui a retenu une approche au cas par cas. Cet accès partiel ne pourra donc être accordé que si certaines conditions cumulatives sont remplies. Le professionnel devra notamment être pleinement qualifié dans son État d'origine pour exercer la profession pour laquelle un accès partiel pourrait lui être accordé dans l'État d'accueil, tandis que l'activité en cause devra pouvoir être objectivement séparée d'autres activités relevant de la profession réglementée dans l'État d'accueil.

L'État d'accueil pourra refuser l'octroi de l'accès partiel pour toute raison impérieuse d'intérêt général, telle que définie par la jurisprudence, en particulier s'agissant des professionnels de santé en cas de préoccupations pour la santé publique. Les professionnels bénéficiant de l'accès partiel devront clairement indiquer le champ de leurs activités professionnelles aux destinataires des services. Enfin, l'accès partiel ne s'appliquera pas aux professionnels bénéficiant d'une reconnaissance automatique sur la base de l'expérience professionnelle - activités artisanales, commerciales et industrielles listées en annexe de la directive) -ou sur la base des diplômes - médecin, infirmier, dentiste, pharmacien, sage-femme, vétérinaire, architecte.

La position du Conseil est proche de celle du Parlement européen. Toutefois, lors du premier trilogue, le Parlement a souhaité une réintroduction de l'appréciation du caractère séparable de l'activité au regard de son exercice autonome dans l'État d'origine.

Nous demeurons pour notre part très réservés sur la possibilité d'un accès partiel aux professions, et souhaitons que cet accès revête un caractère exceptionnel et puisse être refusé pour toute raison impérieuse d'intérêt général.

Autre sujet de négociation, la mise en place de cadres de formation communs et d'épreuves de formation communes permettrait aux professions intéressées de bénéficier de la reconnaissance automatique des titres de formation acquis sur la base d'un ensemble commun de connaissances, capacités et compétences minimales ou d'avoir accès à une activité professionnelle et de l'exercer sur la base de la réussite d'un test standardisé qui évaluerait leur aptitude. Il ne s'agit donc pas d'une harmonisation des formations mais d'une reconnaissance du résultat de la formation.

La France a souhaité que les États membres puissent y déroger sans que cette possibilité ne soit conditionnée à une décision de la Commission ou à un acte d'exécution.

La Présidence a modifié le texte en insérant une possibilité d'exemption à l'introduction des principes communs de formation à la reconnaissance automatique en fonction de conditions objectives alternatives, ce qui a permis à certains États de lever leurs réserves. Toutefois, des interrogations subsistent quant à la procédure.

En outre, le texte du Conseil précise désormais que les cadres communs de formation ne remplacent pas les programmes de formation nationaux, à moins qu'un État en décide autrement en vertu de son droit national. La condition relative à la préparation des cadres communs de formation selon une procédure transparente, incluant les parties prenantes des États membres dans lesquels la profession n'est pas réglementée, a été remplacée par une obligation de la Commission d'examiner, en totale coopération avec les États membres, les suggestions de cadres communs de formation.

Le Parlement européen a proposé un certain nombre de modifications accueillies défavorablement par le Conseil et qui concernent les conditions de mise en place des cadres communs de formation et l'extension des cadres communs de formation aux nouvelles spécialités des professions bénéficiant de la reconnaissance automatique des diplômes. Le Conseil est, en revanche, prêt à discuter des amendements visant notamment à ce que la Commission prenne en considération les suggestions formulées par les associations professionnelles. Très attaché à ces questions, le Parlement européen sollicitera des concessions de la part du Conseil.

Nous nous félicitons pour notre part de l'avancée que constitue la mise en place de cadres de formation communs et d'épreuves de formation communes comme reconnaissance du résultat de la formation dans le respect des programmes de formation nationaux.

L'activation d'un mécanisme d'alerte est par ailleurs un point important. La proposition de la Commission prévoit en effet d'instaurer un système d'alerte sur les interdictions d'exercer des professionnels de santé et des vétérinaires. Ce nouveau mécanisme destiné à renforcer la sécurité des patients permettrait d'éviter que les professionnels de santé, sous le coup d'une interdiction d'exercer dans leur État d'origine, puissent voir leurs qualifications professionnelles reconnues dans un autre État membre et exercer leur profession. Tous les États y sont favorables. Ce mécanisme a été étendu aux professionnels ayant utilisé des diplômes falsifiés dans le cadre d'une demande de reconnaissance des qualifications.

Seraient également concerné les autres professions exerçant des activités ayant des implications sur la sécurité des patients et qui ne bénéficient pas d'un régime automatique de reconnaissance et les professionnels exerçant des activités liées à l'éducation des mineurs, y compris la garde d'enfants et l'éducation de la petite enfance.

Certains États - Danemark, Autriche, Suède, et France -, sont plus réservés sur cette dernière extension, au regard des difficultés d'application qu'elle peut soulever dans le cas où les professions en question ne seraient pas réglementées. En réponse, la Commission a souligné que le mécanisme d'alerte n'avait pas vocation à remplacer les accords de coopération judiciaire et policière entre États membres, tandis que le Parlement européen a estimé que cette extension dépassait le champ d'application de la directive. Il a été convenu que ces questions seraient examinées plus avant au niveau technique.

Nous sommes pour notre part très favorables à la création d'un mécanisme d'alerte, qui permettra de renforcer la sécurité des patients en évitant que les professionnels de santé interdits d'exercer dans leur État d'origine soient autorisés à exercer dans un autre pays de l'Union.

Concernant la question de la vérification des aptitudes linguistiques, rappelons que l'article 53 de la directive dans sa rédaction actuelle prévoit que « les bénéficiaires de la reconnaissance des qualifications professionnelles doivent avoir les connaissances nécessaires à l'exercice de la profession dans l'État membre d'accueil ». Les États membres peuvent donc vérifier que les professionnels étrangers ont les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de leurs activités, mais ils doivent le faire de façon proportionnée, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas les soumettre systématiquement à des tests de langue. Le test de langue ne peut avoir lieu qu'une fois la procédure de reconnaissance terminée et n'est pas un motif suffisant pour refuser de reconnaître les qualifications professionnelles du candidat.

Pour les professionnels de la santé, la proposition initiale prévoit aussi que les autorités compétentes peuvent effectuer un contrôle, si cela est expressément requis par les systèmes nationaux de soins de santé ou, pour les professionnels indépendants non affiliés à un tel système, par les organisations nationales représentatives de patients.

Les discussions au Conseil ont permis de convenir d'un libellé plus souple permettant aux États d'adapter les obligations à leurs particularités, notamment s'agissant des États dans lesquels plusieurs langues administratives ou officielles coexistent.

La France a, en outre, demandé que le contrôle puisse être effectué avant tout contact avec les patients, y compris avant un éventuel stage d'adaptation, cas exceptionnel dans lequel ce contrôle pourrait être effectué avant la reconnaissance des qualifications. La Commission s'y est opposée et cette demande a finalement été abandonnée. Toutefois, au Conseil, un considérant a souligné l'importance pour les professions ayant des implications en matière de sécurité des patients, qu'un contrôle des connaissances linguistiques puisse être effectué avant que le professionnel n'accède à la profession.

Les discussions entre les trois institutions sur le contrôle des connaissances linguistiques se poursuivront au niveau technique et en trilogue.

Nous soutenons pour notre part la position du Gouvernement français, qui souhaite la mise en place d'un contrôle des aptitudes linguistiques pour les professions de santé avant tout contact avec les patients.

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