Intervention de Olivier Dufour

Réunion du 20 mars 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Olivier Dufour, directeur des relations institutionnelles de Rio Tinto Alcan :

C'est là un sujet que nous pourrons peut-être explorer plus en détail lors de votre déplacement à Saint-Jean-de-Maurienne puisque c'est le site dont le contrat arrivera à échéance en premier.

Pendant des années, la concurrence a eu l'hégémonie du discours en matière de politique industrielle au niveau de l'Europe. Or, en octobre 2012, en même temps qu'il a dévoilé son document stratégique pour la croissance, le commissaire à l'industrie a lancé une étude de santé, dite fitness check. Deux secteurs ont été identifiés comme stratégiques et à très fort risque : le raffinage de pétrole, pour des raisons évidentes, et l'aluminium, pour des raisons non moins évidentes. Nous travaillons avec la DG entreprise pour évaluer l'impact de toutes les politiques européennes. Je vous rejoins sur l'aspect qualité de l'air, avec un souci très important à Dunkerque où l'idéologie environnementale à laquelle est confronté notre site pourrait le condamner à terme, alors qu'il est le moins polluant, le maître-étalon (benchmark) en la matière, avec la meilleure technologie. La situation est complètement ubuesque. En tout cas, ce fitness check constitue pour nous un véhicule de discussion avec l'Union européenne. D'ailleurs, il a connu une modification inverse à celle de votre commission d'enquête puisque, initialement consacré à l'aluminium, il a été élargi à l'acier à la suite de la table ronde du 12 février.

La France pourrait actionner un premier levier en poussant pour faire reconnaître le souci auquel est confronté notre aluminium. Dans tous les pays du monde, il est le premier sujet de politique industrielle du fait de son exposition aux aspects énergétiques et environnementaux.

Pour le deuxième aspect, ne cherchons pas à réinventer la poudre. À la suite de la table ronde de Dunkerque il y a dix ans, un rapport de l'Inspection générale des finances daté de 2004 a étudié les prix d'accès à l'énergie pour les industriels électro-intensifs. C'est de ce rapport que découle la création d'Exceltium, décidée par les parlementaires en 2005. D'après ce rapport, ces contrats doivent être conclus sur une durée longue – au minimum dix ans ; partager entre les signataires les risques réglementaires ; se situer dans une zone de prix proche de 30 à 32 euros le mégawatheure en 2004 ; prévoir des possibilités d'effacement lorsque cela est possible ; s'adresser exclusivement à des industries électro-intensives délocalisables de n'importe quel pays de l'Union européenne. L'idée initiale était de faire bénéficier ces industriels électro-intensifs du coût de production du nucléaire historique, mais depuis, EDF a demandé que ce contrat puisse porter sur du nucléaire de nouvelle génération, donc l'EPR. Les électro-intensifs y ont largement contribué au travers d'Exceltium, à hauteur de 2 milliards d'euros pour l'instant, car le coût de production de l'EPR est beaucoup plus élevé que celui du nucléaire historique. C'est pourquoi les industriels électro-intensifs souhaiteraient revenir à l'esprit initial du contrat Exceltium en le prolongeant sur une base de coût du nucléaire historique. Sur cette base pourraient venir se greffer des dispositifs euro-compatibles de nature à faire baisser la facture d'électricité et à la ramener à des niveaux comparables à ceux en cours dans le reste du monde : rémunération des effacements ou de l'interruptibilité, éventuellement tarifs plus intéressants en fonction de la proximité des usines et des lieux de production – ce qui serait favorable à l'usine de Dunkerque que 500 mètres séparent du site de Gravelines. La France doit défendre cette proposition comme l'Allemagne défend actuellement, contre la Commission européenne qui a ouvert une commission d'enquête, ses propres dispositifs d'exonération du tarif de transport.

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