Intervention de Olivier Dufour

Réunion du 20 mars 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Olivier Dufour, directeur des relations institutionnelles de Rio Tinto Alcan :

S'agissant du recyclage, sachez que 75 % de l'aluminium produit depuis le début de l'ère industrielle sont encore utilisés aujourd'hui. Les taux de recyclage sont très importants dans le bâtiment et l'automobile, avec des temps plus ou moins courts – une trentaine d'années pour le bâtiment, une dizaine pour l'automobile. Ils ont beaucoup moins importants, bien qu'ayant beaucoup évolué ces derniers temps, dans l'emballage. Ce fort taux de recyclage s'explique par le réel intérêt économique de cette pratique.

Par son contenu énergétique, l'empreinte carbone de l'aluminium est hautement liée à la source d'énergie. Au sein du groupe Rio Tinto Alcan, nous croyons beaucoup à l'aluminium hydro nucléaire, qui représente d'ailleurs la quasi-totalité de notre production. D'ailleurs, nous nous défaisons actuellement d'actifs australiens qui travaillent sur une base de charbon. L'aluminium produit à partir d'hydroélectricité émet 2 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium contre 16 tonnes pour une production à partir du charbon et 18 tonnes à partir de lignite, comme en Allemagne. Du point de vue de l'empreinte carbone, l'aluminium est un investissement intéressant dans la mesure où les deux applications principales en sont le transport et le bâtiment, et où l'émission initiale de CO2 sera compensée tout au long de la vie de l'aluminium puisque le recyclage ne demande que 5 % de l'énergie initiale. En outre, 1 kilo d'aluminium utilisé dans une voiture permet d'économiser 2 kilos d'acier et d'économiser 20 kg de CO2 dans la vie de la voiture. L'aluminium est certes utilisé dans les centrales nucléaires mais aussi dans les énergies renouvelables, que ce soit les éoliennes, le cadre des cellules photovoltaïques, l'intégration dans le bâtiment, les brise-soleil qui permettent de réduire l'utilisation de la climatisation en été, et j'en passe.

Les émissions directes de CO2 par nos usines sont contrôlées par la technologie aluminium Pechiney, qui est encore leader mondial en la matière et contribue à faire reconnaître nos usines comme références (benchmarks). De ce fait, le coût des quotas de CO2 sur Dunkerque est plutôt neutre. Nous sommes très attachés et très attentifs à cette qualité de l'usine. Quand il est intégré dans le coût de l'électricité, le coût du CO2 peut être très important puisque le prix de marché de l'électricité prend en compte la source marginale de production de l'énergie (souvent le charbon).

La politique de recherche de Rio Tinto Alcan pourra être détaillée lors de votre visite à Saint-Jean-de-Maurienne, qui sera peut-être pour vous l'occasion de découvrir notre site de recherche qui est très important pour la recherche sur l'aluminium. Notre chef de la direction, Jacynthe Côté, quand elle vient en France, vient voir deux sites : les cuves d'électrolyse du laboratoire de recherche sur les fabrications (LRF) à Saint-Jean-de-Maurienne et les salles égyptiennes du Louvre. Ces cuves sont des prototypes de la dernière technologie et constituent la référence mondiale dans la production d'aluminium. Le site de Voreppe est plutôt dédié au support technique, même si nous y avons aussi un laboratoire qui travaille sur le développement d'anodes très spécifiques qui permettraient de ne plus émettre de CO2. C'est là un sujet extrêmement important qui s'apparente au Saint Graal pour la recherche en aluminium.

Ces deux sites sont soumis à deux facteurs d'influence. Le premier, c'est que Rio Tinto Alcan, en abandonnant ses usines en Australie, a réduit sa production d'aluminium de 4 millions de tonnes à 2,5 millions de tonnes. Cette nouvelle empreinte mondiale nécessite d'ajuster les effectifs, y compris de recherche. Puisque ce sont les sites existants qui financent l'effort de recherche, il faut alléger leurs coûts pour leur permettre de rester compétitifs. Le second aspect, le plus important, c'est que la technologie Aluminium Pechiney est aujourd'hui talonnée par des technologies issues de Chine et du Moyen-Orient, et l'écart technologique se resserre. Notre marché naturel pour la construction de nouvelles usines d'aluminium se réduit ainsi comme peau de chagrin. Depuis 1990, la production d'aluminium en Chine a explosé et représente aujourd'hui la moitié de la production mondiale, tandis que l'Europe a perdu plus de 30 % de sa production. Jusqu'à présent, nous cherchions des brevets de manière indépendante ; aujourd'hui, nous souhaitons nous tourner vers de l'innovation ouverte, à l'instar d'autres secteurs comme l'industrie pharmaceutique. Nous sommes plutôt en recherche d'alliances et nous multiplions les projets avec les universités et d'autres sociétés.

Dans le domaine de l'offre technologique française en matière d'aluminium, Rio Tinto Alcan est un acteur important avec ses filiales ECL et Carbone Savoie. D'autres sociétés françaises ont accompagné ce développement technologique, comme les sociétés Fives Solios à Lille, Brochot et Alstom, qui ont développé des sous-stations spécifiques dont des équipements électriques ou des équipements environnementaux. C'est une vraie grappe technologique française qui s'est développée autour de ces métiers et qui reste, pour nous, une priorité. Par contre, nous la faisons évoluer d'un mode de fonctionnement autonome vers l'ouverture, ce qui permet d'aller chercher plus de soutiens publics puisque le support à l'innovation européen notamment ne peut pas concerner une seule société, contrairement à la pratique en Chine et aux États-Unis. Historiquement, la France représente, et cela continuera, grosso modo 60 % de l'effort de recherche total de Rio Tinto Alcan dont le centre névralgique est à Voreppe.

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