Je remercie nos invités pour leurs exposés. Résumer leur propos en quelques minutes était un exercice périlleux, car l'histoire des politiques d'immigration brasse un grand nombre de paramètres et de questions à la fois juridiques, sociétales et sociales. Aussi reviendrai-je sur certains points qui méritent soit des éclaircissements, soit des précisions.
Madame Lochak, vous avez retracé les grandes étapes des politiques d'immigration depuis 1945. Vous avez insisté sur le fait que, depuis cette date, la volonté des pouvoirs publics avait toujours été de favoriser une immigration de main-d'oeuvre : une logique économique semble donc prévaloir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. J'aimerais que vous reveniez sur les conditions dans lesquelles la venue de cette main-d'oeuvre a été organisée, que ce soit par les entrepreneurs ou par les pouvoirs publics. Madame de Barros a mis en évidence la préexistence de certaines structures de l'époque coloniale, qui ont subsisté dans la période post-coloniale. On parle souvent de ce qui s'est passé après, une fois cette main-d'oeuvre immigrée arrivée en France, mais finalement assez peu de la manière dont son recrutement a été opéré.
La situation difficile de certains immigrés âgés aujourd'hui n'est-elle pas justement la conséquence d'une certaine approche de l'immigration de main-d'oeuvre ? Dans la mesure où son installation était considérée comme temporaire, on n'a en effet pas pris en compte les besoins à moyen et long termes, ce qui expliquerait la dégradation de certaines situations individuelles au moment de la retraite.
Je m'interroge également sur les politiques de logement à destination des immigrés. Vous avez évoqué les foyers de travailleurs migrants, sur lesquels notre mission d'information s'est déjà penchée – nous avons auditionné Adoma et des collectifs associatifs. Nous avons ainsi identifié un certain nombre de problématiques liées à ce qui est une spécificité française, puisqu'il semble que la France a inventé un modèle, celui d'un logement un peu discriminant, qui a souvent produit des effets de relégation territoriale. Vous avez aussi évoqué – ce que la mission d'information avait assez peu fait jusqu'ici – les bidonvilles, qui constituent – il faut bien le dire – l'autre versant de la politique du logement à destination des immigrés. Les populations qui vivaient dans les bidonvilles étaient en effet toutes d'origine étrangère, et c'est un phénomène qui a marqué l'histoire de nos territoires.
J'aimerais également savoir, monsieur Mony, comment vous percevez le rôle des associations et des collectifs d'immigrés dans l'évolution du droit des étrangers, qu'il s'agisse du droit de séjour, du droit d'asile ou encore de l'accès à la nationalité. Ont-elles réussi à se faire entendre des pouvoirs publics, ou ont-elles davantage subi les législations qui se sont « empilées », surtout depuis une vingtaine d'années ?
Enfin, j'aimerais que vous reveniez sur les effets en matière de droit au séjour du durcissement des règles relatives aux liens familiaux des migrants. La Mission a constaté qu'une partie des migrants – notamment les plus âgés – souffrait d'un fort isolement. Les restrictions en matière de visas ou la peur de ne pas pouvoir revenir sur notre territoire ne contribuent-elles pas à renforcer cet isolement ?