Vous dites que les pouvoirs publics n'ont pas vraiment organisé l'arrivée de cette main-d'oeuvre. Selon les témoignages que nous avons entendus, il semble pourtant que de grandes entreprises françaises installaient des bureaux de recrutement dans les villages, au Maghreb ou en Afrique subsaharienne. Les jeunes gens y défilaient ; on vérifiait qu'ils étaient en bonne santé, puis on signait les papiers leur permettant de commencer à travailler à l'usine quelques semaines plus tard. J'avais d'ailleurs pris soin, dans ma question, de distinguer les entrepreneurs et les pouvoirs publics. En somme, on a laissé les entreprises libres de faire venir cette main-d'oeuvre, sans prendre les mesures nécessaires – d'où l'apparition des bidonvilles, et tous les problèmes que nous connaissons aujourd'hui. N'y a-t-il pas eu un choc entre la logique des acteurs économiques et celle des pouvoirs publics, qui n'ont pas pris – même à partir du moment où le mythe du retour au pays s'est dissipé et où il est apparu que les immigrés avaient vocation à rester dans notre pays – les mesures qui s'imposaient ?