Nous poursuivons nos travaux par une audition d'historiens spécialistes des différentes migrations afin d'examiner les contextes et les conditions d'accueil puis d'établissement en France des populations qui constituent les immigrés aujourd'hui âgés. Nous recevons M. Ahmed Boubeker, professeur de sociologie à l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne, Mme Laure Pitti, maître de conférences à l'Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis, M. Piero Galloro, maître de conférences à l'Université Paul Verlaine de Metz, chercheur à la Maison des sciences de l'homme de Lorraine, et M. Jean-Philippe Dedieu, historien et sociologue à l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS) de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Monsieur Ahmed Boubeker, vous avez étudié l'immigration algérienne dans la région lyonnaise ainsi qu'en Lorraine, et récemment dirigé une Histoire politique des immigrations (post-coloniales) qui analyse ces migrations sous leurs aspects sociaux, politiques et cultuels. Vous vous interrogez par ailleurs sur la façon de raconter la contribution à l'histoire de France des immigrés originaires des territoires anciennement sous souveraineté française.
Madame Laure Pitti, vous êtes historienne de l'immigration algérienne, en particulier sous le prisme du travail dans l'industrie, notamment à Renault Billancourt. Vous en avez également analysé les effets sanitaires en matière de santé au travail et d'accès aux soins des milieux populaires, notamment immigrés.
Monsieur Piero Galloro, vous avez d'abord étudié l'histoire des « ouvriers du fer » en Lorraine de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe ; il s'agissait donc d'immigrés principalement européens. Vous avez ensuite étudié l'histoire des mineurs marocains et algériens de Lorraine et du Nord. Vous avez notamment conduit de nombreux entretiens avec ces personnes immigrées aujourd'hui âgées.
Monsieur Jean-Philippe Dedieu, dans votre ouvrage La parole immigrée, les migrants africains dans l'espace public en France (1960-1995), vous examinez la façon dont les immigrés d'Afrique subsaharienne ont pu s'organiser, dans le cadre d'associations et d'amicales, sous une double contrainte provenant à la fois de leur pays d'origine et des politiques menées en France. Vous avez également contribué à l'histoire sociale des avocats et des comédiens africains, et étudié la situation des employé(e)s de maisons dont vous avez montré qu'elle a longtemps été tributaire de classifications héritées de la période coloniale.
Je précise que notre mission d'information s'intéresse à la situation des immigrés âgés de plus de cinquante-cinq ans originaires d'États tiers à l'Union européenne, qui représentent 800 000 personnes, les plus de soixante-cinq ans représentant 350 000 personnes. Vos éclairages nous permettront donc de mieux mesurer les effets de l'histoire sur le parcours des personnes immigrées aujourd'hui âgées.