Intervention de Piero Galloro

Réunion du 18 avril 2013 à 14h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Piero Galloro, maître de conférences à l'Université Paul Verlaine de Metz :

Mes collègues ont déjà abordé un certain nombre de questions mais, en tant que socio-historien, il me semble nécessaire de se replacer sur le long terme. Je le ferai à partir d'exemples, peut-être triviaux, mais qui ont le mérite de faire prendre conscience d'évènements resitués dans un temps long, dans le « processus » comme dirait Norbert Élias.

En Lorraine, il y a deux festivals : le festival du film italien de Villerupt et le festival du film arabe de Fameck. L'un a lieu en octobre et l'autre en décembre, à une vingtaine de kilomètres l'un de l'autre. S'agissant du premier, la presse locale a titré sur la Lorraine « ritale ». J'appartiens à une génération où, si l'on me traitait de rital dans la cour de récréation, une bagarre générale éclatait – ce n'était pas un compliment. Or, s'agissant du second, la presse ne se permettrait pas de titrer « Lorraine… ». Je précise que les Arabes de Lorraine sont plutôt des Algériens, arrivés depuis 1934, à cause de la loi de 1932, donc bien avant la guerre d'Algérie.

Cette différence d'attitude s'explique par une différence de perception. Les Italiens ont bénéficié d'un processus de légitimation, ce qui n'a pas été le cas d'autres populations, qui étaient des populations coloniales. Dans cette perception, le rapport colonial est donc indéniable.

S'agissant des Italiens, on ne peut pas se référer au basculement des années soixante-dix, à laquelle certains ont fait allusion. Rappelez-vous qu'on appelait les Italiens « les Crispi », du nom du ministre des affaires étrangères qui avait signé l'alliance avec l'Allemagne dans les années 1880. On les appelait aussi « les christos » parce qu'en 1905, au moment de la séparation de l'Église et de l'État en France, ils portaient des croix. On lit d'ailleurs dans les rapports des préfets de Lorraine de 1905 et de 1936 que deux populations ne pourront jamais s'intégrer : les Italiens et les Polonais, trop catholiques.

Les Italiens, sur le siècle, ont mis du temps pour se faire légitimer, mais ils l'ont été. Ce ne fut pas le cas des populations qui étaient dans un rapport colonial. Je crois qu'il faut l'avoir en tête, pour apprécier à quel moment il y a pu avoir un basculement. Dès les années 1880, quand on a fait venir massivement des Italiens, est apparue l'expression : « des étrangers qui viennent voler le pain des Français ».

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