Je constate également, à la lecture des archives, qu'en tout cas à partir des années soixante, période à partir de laquelle les migrants africains ont été de plus en plus nombreux en France, la durée d'emploi s'allonge de manière constante et que les allers et retours ont tendance à s'espacer dans le temps – passant, entre le début et la fin de cette décennie, de deux ou trois ans à quatre ou cinq ans.
Par ailleurs, j'avais déjà évoqué le rôle des pouvoirs publics dans le recrutement. Mais je pense nécessaire de compléter mes propos. Il semble que les entreprises françaises n'aient pas cherché à recruter activement des travailleurs africains dans les pays d'origine, mais que le départ de certains travailleurs algériens en Algérie entre 1954 et 1962 ait indirectement favorisé le recrutement de travailleurs africains.
Par exemple, l'usine Berliet de Lyon forme des cadres et des ouvriers africains, mais elle le fait de façon extrêmement temporaire et il ressort des archives qu'elle ne souhaite en aucune manière – en faire venir d'autres, pour des raisons « culturelles ».
En revanche, si les pouvoirs publics et le patronat n'ont pas encouragé le recrutement, ils ont très bien organisé le licenciement. Ce fut le cas dans les années quatre-vingt, notamment dans les usines Renault. J'ai recueilli des témoignages assez dramatiques de cette gestion ethnique du licenciement. C'est l'époque de l'émergence et de la stabilisation du paradigme du codéveloppement – qui peut être multiforme, qui peut aller contre le développement – qui sera mis en avant tant par la gauche que par la droite.
Je voudrais maintenant signaler que lorsque nous décidons de mener des recherches sur les questions liées au travail, nous avons des difficultés à accéder aux archives des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées. Il me semblerait indispensable de réfléchir à la façon d'obliger les entreprises à ouvrir leurs archives.