Je vais vous présenter le travail effectué par notre association sur le thème de la mémoire.
On peut difficilement comprendre les livres qui sont écrits sur le sujet si on ne les relie pas à l'histoire vécue par les mineurs marocains. C'est ce qui nous a amenés à intituler notre travail « mémoire au service du droit ».
Lorsque nous nous sommes intéressés à l'histoire de la transmission, nous nous sommes aperçus qu'une association dirigée par les mineurs eux-mêmes, qui sont dans l'ensemble analphabètes, pouvait difficilement créer des outils de mémoire. Nous avons souhaité dépasser cette réalité et avons décidé de faire preuve d'initiative. Pour cela nous avons utilisé les méthodes de l'éducation populaire. Il n'a pas été facile, par exemple, d'établir un partenariat avec le Centre historique minier de Lewarde, car on voulait nous assigner une fonction trop folklorique. Nous avons finalement réussi à faire accepter nos exigences, qui étaient d'organiser une exposition présentant l'histoire des travailleurs marocains. Cette exposition a vu le jour et nous sommes en mesure de la faire circuler.
Nous avons demandé à des sociologues et à des cinéastes de collaborer à notre projet. Sans vouloir faire leur travail, nous avons orienté leurs interventions, en demandant aux cinéastes de filmer telle ou telle manifestation ou tel ou tel événement que nous considérions important. Dans le même esprit, nous avons demandé aux sociologues de nous former. Ainsi, pour rédiger un document sur les discriminations liées au logement, nous avons construit ensemble les questionnaires remis aux mineurs et avons exigé de poser les questions à leurs enfants.
Nous sommes fiers d'avoir donné à des mineurs marocains analphabètes, venus des contrées les plus pauvres et les plus reculées du sud du Maroc, l'occasion de montrer qu'ils sont capables d'ouvrir le chemin de la mémoire collective sans faire l'impasse sur les luttes et les combats qu'ils ont menés pour défendre leurs droits.
Il est urgent de considérer la situation sociale de cette population. Les mineurs sont âgés et fragilisés. Ils se sentent bafoués et discriminés par rapport à la façon dont est traitée la corporation minière. Cette situation entraîne des dégâts sociaux considérables. À l'heure où leurs organismes de tutelle ont renoncé à rendre justice aux mineurs marocains, il est urgent que les politiques s'emparent du sujet et trouvent une solution propre à réparer ce qui constitue une véritable injustice sociale. Alors seulement nous pourrons poursuivre notre travail sur la mémoire.