Intervention de Gilles Desrumaux

Réunion du 28 février 2013 à 14h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Gilles Desrumaux, délégué général de l'Union professionnelle du logement accompagné, UNAFO :

L'Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) regroupe 83 gestionnaires qui gèrent plus de 1 150 établissements représentant 128 000 logements. Nous fédérons 97 % de l'offre de logement dans les foyers de travailleurs migrants et 70 % dans les résidences sociales.

L'UNAFO assure la représentation de ses adhérents auprès des pouvoirs publics et c'est à ce titre qu'elle les interpelle sur un certain nombre de problématiques, dont celle des migrants âgés. En faveur de la professionnalisation du secteur, l'UNAFO dispose désormais d'un centre de formation qui propose des modules de formation sur la question des migrants âgés. Ce centre a accueilli plus de 600 personnes en 2012.

La problématique des migrants âgés est très ancienne au sein de l'UNAFO puisque nous étions présents au colloque fondateur qui s'est tenu à Grenoble en 1986 et à celui que le Fonds d'action sociale (FAS) a organisé en 1999 à Aix-en-Provence. L'UNAFO a organisé un premier séminaire sur ces questions en 1996. Nous sommes donc engagés depuis le milieu des années quatre-vingt-dix sur ces problématiques, sur lesquelles je me propose de vous livrer notre analyse et l'orientation qui est la nôtre.

Notre analyse est la suivante : le vieillissement des migrants, l'arrêt de l'immigration de travail, l'émergence des phénomènes de précarité et de pauvreté ont provoqué la fin d'un cycle, celui des foyers de travailleurs migrants, et a laissé place à un nouveau cycle, celui des résidences sociales.

En raison de la nature de leur bâti, de leur réglementation, de l'extraterritorialité qu'ils induisent, de leur fonction même qui ne correspondait plus aux besoins, les foyers de travailleurs migrants ont vu leur rôle et leur fonction bouleversés. De lieu de passage temporaire, ils sont devenus pour partie des lieux de vie permanents pour des personnes qui ont perdu leur statut de travailleur du fait du chômage, des problèmes de santé ou la retraite.

Les résidences sociales proposent des logements plus autonomes et plus adaptés, et leur réglementation accorde plus de droits aux personnes. En outre, elles s'appuient sur des projets sociaux répondant mieux aux besoins des migrants âgés.

Au regard de cette analyse, trois orientations ont guidé notre action : la première consiste à adapter le parc, devenu obsolète, aux nouveaux besoins des résidents ; la deuxième vise à favoriser l'accès des migrants âgés aux droits sociaux, à la santé, aux services gérontologiques et au maintien à domicile ; la troisième a pour objet d'assurer une reconnaissance aux migrants âgés en les inscrivant dans les politiques et les dispositifs nationaux et locaux.

En ce qui concerne la réhabilitation du parc, 300 établissements ont été traités ou sont en cours de traitement, et 160 seront traités ultérieurement. Il reste 200 établissements dont le statut doit être précisé et dont les difficultés ont pour origine des raisons complexes, parfaitement décrites dans le rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Il s'agit d'opérations qui mobilisent d'importants moyens humains et financiers, des maîtres d'ouvrage, qui nécessitent des sites de desserrement et des « opérations-tiroirs » difficiles à trouver et qui souffrent de l'inégale implication des collectivités territoriales.

Lors des dernières rencontres nationales de l'UNAFO, qui se sont tenues à Lyon en novembre dernier, notre organisation a fait un certain nombre de propositions en vue d'achever le plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (PTFTM). Il faut pour cela mettre en place un pilotage national et des moyens financiers fléchés, gérer les priorités dans la réalisation du précédent plan de traitement, faire en sorte que le plan s'articule autour des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l'État, et enfin prendre en considération les outils de programmation territoriaux pour y intégrer le PTFTM.

La mise en oeuvre de ce plan suscite notre inquiétude sur trois points. Le premier porte sur le devenir des moyens d'Action logement, qui concourre pour 43,33 % au financement du plan ; le deuxième touche à la pérennité et aux modalités des financements apportés par le ministère de l'intérieur, par le biais de la direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté (DAIC), aux pertes d'exploitation, à l'aide transitoire au logement et au soutien des gestionnaires, sommes qui représentaient 11 millions d'euros en 2011 ; la troisième inquiétude concerne l'abandon de l'indexation composite des redevances des résidences sociales – depuis 2010, celles-ci sont indexées sur l'indice de référence des loyers (IRL), ce qui provoque pour les gestionnaires un effet ciseau entre les charges et les recettes.

J'en viens à l'accès des migrants âgés aux droits sociaux, à la santé et au maintien à domicile. Il faut noter que la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », a donné aux établissements qualifiés de foyers de travailleurs un statut juridique qui en fait le domicile des résidents, leur donnant ainsi accès aux droits sociaux. Je rappelle la longue bataille juridique qu'a entraînée l'éligibilité des étrangers non communautaires aux allocations concourant au « minimum vieillesse ». Comme vous le voyez, les gestionnaires se sont toujours souciés de l'accès aux droits sociaux des résidents qu'ils accueillent.

Aujourd'hui, notre difficulté vient de ce que la notion de « résidence habituelle » ne correspond pas à la situation des personnes qui pratiquent un va-et-vient entre leur pays d'origine et la France. À cet égard, nous avons constaté des entraves au droit et aux contrôles et nous nous heurtons à la difficulté de généraliser les expériences d'accueil hôtelier pour ces personnes.

S'agissant de l'accès à la santé, nous devons tenir compte du fait qu'un grand nombre de ces personnes rencontrent très tôt des problèmes aigus de santé. En 2008, l'UNAFO a signé un accord-cadre avec le Centre technique d'appui et de formation des centres d'examens de santé (CETAF), mais la mise en oeuvre de cet accord, qui permet aux personnes de bénéficier d'examens de santé gratuits, exige des moyens, en termes d'accompagnement, qui ne sont pas toujours suffisants.

En ce qui concerne le maintien à domicile et l'accès aux services gérontologiques, nous considérons que les migrants âgés doivent avoir accès à toutes les prestations de maintien à domicile, ce qui suppose de financer les services de droit commun. Mais ce n'est pas toujours simple. Notre système d'aide, très individualisé, se prête mal aux interventions auprès de personnes vivant dans un cadre semi-collectif. Ne pourrait-on expérimenter des formes mutualisées de prise en charge ?

En matière d'accès aux droits sociaux, l'UNAFO propose d'organiser dans les territoires une coordination entre les services de droit commun, les acteurs associatifs et les immigrés âgés, de mettre en place un accompagnement individualisé pour les personnes âgées et d'assurer la pérennité des fonctions de coordination et d'accompagnement.

Sur le plan de la reconnaissance des migrants âgés, il faut noter qu'en dehors du PTFTM, malgré divers rapports officiels et de nombreux colloques, aucune politique définissant un public cible, une finalité, des objectifs et des moyens d'action n'a jamais été définie. Nous y voyons un manque. Les gestionnaires font ce qu'ils peuvent, mais ils se heurtent à l'absence d'une politique nationale. Celle-ci pourrait se traduire par trois mesures précises : l'inscription nécessaire des migrants âgés dans les schémas gérontologiques, la coordination de l'ensemble des acteurs – caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), services sociaux, services de santé et d'aide à domicile, établissements spécialisés – et enfin la reconnaissance des migrants âgés par la publication de livres, l'organisation d'expositions et la diffusion de films qui leur montreraient que, s'ils sont originaires de là-bas, ils sont aujourd'hui des gens d'ici. De nombreuses initiatives en ce sens sont en cours et l'UNAFO est très active sur cette question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion