Adoma, ancienne SONACOTRA, a été créée par l'État dans les années 1950 pour accueillir de jeunes travailleurs migrants d'Algérie, puis du Maghreb et, plus tard, des pays d'Afrique subsahélienne.
Adoma, avec ses 2 300 collaborateurs, est présente dans 56 départements et 20 régions. Elle gère 600 sites qui représentent 73 000 logements, dont 42 % concernent des publics âgés de plus de soixante ans.
Ces logements avaient été conçus de façon provisoire pour accueillir des migrants à titre provisoire. Force est de constater qu'un certain nombre d'entre eux sont restés sans toutefois que notre modèle économique ne change.
Il y a deux ou trois ans, Adoma a rencontré d'importantes difficultés et a dû faire face à un certain nombre de dérives dont rend compte le récent rapport de la Cour des comptes, qui souligne également le retard pris par le plan de traitement des foyers de travailleurs migrants. Mais le redressement est désormais acquis. Nous avons, au cours des dernières années, amélioré nos équilibres économiques, ce qui nous a permis de créer des marges de manoeuvre que nous affecterons prioritairement au plan de traitement. Grâce au plan stratégique de patrimoine dont nous nous sommes dotés, nous pourrons, au cours des dix prochaines années, investir 1,3 milliard d'euros pour transformer, dans un tiers de notre parc, des chambres de 7,5 mètres carrés en studios autonomes au sein de résidences sociales.
Mais ce plan de traitement ambitieux se déroulera sur dix ans ; or, les populations dont nous parlons sont très fragiles – nous constatons aujourd'hui trois décès par jour au sein de nos foyers, et ce chiffre ne cessera d'augmenter.
Nous concentrons nos efforts dans deux directions. Avant tout, il est impératif de sortir du discours, c'est pourquoi nous attendons avec beaucoup d'espoir les recommandations concrètes que vous formulerez, mesdames et messieurs les députés. Adoma se préoccupe depuis dix ans des travailleurs vieillissants, mais les tentatives pour améliorer leur sort se sont souvent soldées par des expérimentations sans lendemain, des retards dans le traitement des foyers, parfois même par de fausses bonnes idées. Ainsi à Bobigny, où nous avons accueilli le président de l'Assemblée nationale, accompagné de quelques parlementaires, j'ai refusé d'inaugurer un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) que nous avions réalisé suite à la demande de l'État il y a une dizaine d'années et dans lequel nous avons investi, avec un certain nombre de partenaires, quinze millions d'euros. Cet établissement de quatre-vingt-dix places devait accueillir en priorité des chibanis ; près de 10 000 personnes immigrées âgées résident à proximité étaient donc éligibles. Or, à l'ouverture de l'établissement, seuls trois chibanis, sur quatre-vingt-cinq résidents, étaient présents.
Cette faible proportion de chibanis accueillis montre que, comme toutes les personnes âgées, ceux-ci souhaitent vieillir à domicile – c'est-à-dire dans le logement qu'ils occupent depuis près de quarante ans dans leur foyer ; en outre, l'accueil en EHPAD exigeait d'eux qu'ils versent les quelques économies dont ils disposaient, ce qu'ils ont refusé, préférant les envoyer dans leur pays d'origine.
Nous nous orientons vers des travaux qui nécessitent de faibles investissements mais permettent d'adapter les foyers au vieillissement des personnes. Pour le gestionnaire que je suis, transformer les foyers de travailleurs migrants en EHPAD n'aurait pas de sens car la grande majorité des personnes concernées ne seront plus là dans dix ans, et les personnes qui frappent à nos portes sont essentiellement des jeunes vivant dans la précarité.
J'insiste sur la nécessité de faire en sorte que l'accès aux droits, à la santé et aux services des migrants âgés relève du droit commun. Nous mobilisons pour cela tous les réseaux associatifs de l'aide à domicile. Nous avons signé un accord avec l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (CCAS) et nous nous apprêtons à signer avec l'Association d'aide à domicile en milieu rural (ADMR) et l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) pour qu'ils interviennent dans les foyers dans des conditions économiques acceptables, sachant que les migrants âgés, dans la mesure où ils ont travaillé au cours de leur vie, sont potentiellement bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).
Le modèle économique de la SONACOTRA – une chambre de très petite taille au sein d'un foyer comprenant un gardien et un ouvrier de maintenance – était pertinent lorsqu'il s'agissait d'accueillir de jeunes travailleurs qui ne faisaient que dormir au foyer. Cinquante ans plus tard, ce modèle n'a pas changé, mais les personnes, elles, y vivent vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Nous devons donc faire évoluer notre modèle économique et financer des intervenants sociaux, comme nous finançons des compétences internes en matière de maintenance et de gestion locative. Adoma bénéficie aujourd'hui, au titre des résidences sociales, de l'aide à la gestion locative sociale (AGLS), mais celle-ci ne peut être utilisée pour les foyers de travailleurs migrants. Je plaide auprès du ministère compétent la possibilité de mobiliser cette aide et de la mutualiser.