Intervention de Richard Jeannin

Réunion du 28 février 2013 à 14h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Richard Jeannin, directeur général de l'Association Rhône-Alpes pour le logement et l'insertion sociale, ARALIS :

ARALIS est une association régie par la loi de 1901, essentiellement implantée dans l'agglomération lyonnaise et le département de la Loire. Sa capacité est d'environ 4 200 places en résidences sociales et en foyers. Créée en 1951, ARALIS a d'abord été appelée « la Maison de l'Afrique du Nord », puis « la Maison du travailleur étranger ». Depuis, cette association d'insertion a fait évoluer son patrimoine et son projet social.

ARALIS a toujours été préoccupée par les questions que viennent d'aborder mes collègues. Dans les années 2000, elle a fondé le forum Traces qui visait à mieux comprendre la problématique des vieux immigrés. Cette démarche a servi de base à un grand nombre d'actions, dont la création de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) et a permis de donner une certaine lisibilité à cette question sociale.

Récemment, nous avons réalisé un diagnostic sur la situation des immigrés âgés et constaté leur isolement, leur précarité et de nombreux problèmes de santé. Ces personnes entrent dans la vieillesse entre cinquante et soixante ans et les cas de perte d'autonomie sont de trois à quatre fois plus nombreux que dans l'ensemble de la population âgée en France.

Face à la flexibilité des modes de vie que nous avons constatée, nous avons, comme d'autres organismes, mis en place des logements en location alternée afin de permettre aux personnes âgées qui le souhaitent de pratiquer des allers et retours entre la France et leur pays d'origine.

Enfin, en matière d'égalité de traitement, nous avons constaté des contrôles abusifs pratiqués par un certain nombre d'organismes de sécurité sociale.

Pour assurer pleinement la prise en charge de la population qui occupe les résidences sociales et les foyers, nous avons intégré la question du vieillissement à notre projet associatif et nous proposons à nos agents des programmes de formation portant sur la prise en charge des décès ou des situations de fin de vie dans les foyers, sur la pratique du culte ou la problématique de la suppression du lieu de culte dans les foyers que nous réhabilitons.

Pour organiser cet accompagnement, il nous faut trouver des solutions satisfaisantes, notamment en impliquant les conseils généraux. Nous disposons, depuis peu de temps, de chargés de mission, financés par le Fonds européen d'intégration (FEI), qui étudient la prise en charge du vieillissement et dont les études préalables et les programmes d'action permettent de répondre aux besoins.

Nous fabriquons, aménageons ou réhabilitons des résidences sociales en adaptant les appartements à la prévention de la dépendance. Nous prévoyons également un certain nombre d'appartements partagés qui permettent, sans tomber dans le communautarisme, de partager les sanitaires et certaines formes d'organisation.

Nous réfléchissons à la façon dont il convient de traiter la santé en tenant compte des spécificités communautaires. Il ne s'agit pas seulement de poser quelques barres d'appui et des bacs de douche à l'italienne, mais surtout d'organiser le réseau de santé en vue d'assurer la prise en charge et la prévention de la dépendance, donc le maintien à domicile, des personnes concernées. Je me permets d'insister sur ce point qui nécessite de déployer des programmes ambitieux avec nos partenaires de droit commun. Nous avons récemment signé des conventions de partenariat avec les centres d'examens de santé (CES) pour qu'ils deviennent accessibles aux personnes immigrées âgées. Dans le même esprit, nous formons 137 de nos salariés, sur un total de 160, à la prise en compte du vieillissement.

S'agissant des inégalités d'accès aux droits, nous entendons prévenir et lutter contre les contrôles abusifs. Certaines situations inacceptables sur le plan humain nous ont amenés à organiser des recours, mais vous disposez en la matière de témoignages significatifs et vous connaissez les propositions du Défenseur des droits.

Pour nous, l'enjeu de ce débat consiste à prendre en compte le vieillissement et le maintien à domicile des migrants âgés, tant sur le plan technique que sur le plan de l'accès aux droits et aux soins. Cet enjeu nécessite une action plus volontariste de la part des collectivités publiques, car, bien que l'accompagnement du vieillissement soit l'une des compétences des conseils généraux, elle ne s'applique pas aux publics que nous accueillons.

En matière d'égalité de traitement et d'accès aux droits, il est regrettable que des personnes qui ont rendu un certain nombre de services à notre nation fassent l'objet d'une forme de suspicion. Il est paradoxal de concevoir une politique publique en portant un regard négatif sur une population qui, comme vous l'avez constaté, ne fait pas beaucoup de bruit.

Enfin, nous sommes plutôt favorables à l'adaptation des logements et à l'organisation du service de droit commun, mais nous ne voulons pas pour autant médicaliser nos foyers, considérant que ce serait le meilleur moyen de laisser mourir à petit feu les personnes qui nous occupent sans leur apporter les services auxquels ont droit nos concitoyens. Il faudra donc accepter de financer le vieillissement des plus démunis, sans le réduire à une problématique qui me paraît d'ordre ethnique.

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