Sur des sujets aussi complexes, la situation n'est ni blanche ni noire. Il est clair que nous rencontrons des problèmes spécifiques en Île-de-France, en particulier la suroccupation chronique des foyers accueillant les personnes d'Afrique subsahélienne.
L'ensemble de la profession reconnaît l'exigence croissante de nos résidents à être considérés comme des clients. Les jeunes précaires qui remplacent les chibanis n'acceptent pas les conditions que ces derniers ont acceptées pendant vingt ou trente ans.
Nous reconnaissons en effet que, du fait du retard pris dans le traitement des foyers, certains de nos résidents connaissent des conditions de vie indignes.
On nous parle de restauration collective, de salles de culte, mais nous sommes en République. Concrètement, la restauration collective est gérée par des mafias, qui exploitent des femmes sans papiers et les emploient dans des conditions inacceptables, sans parler des problèmes de sécurité et des responsabilités qui nous incombent. Nous avons tenté de régulariser la situation dans trois foyers, sur les 600 que nous gérons, mais leur modèle économique reste fragile.
Nous sommes gestionnaires de fait de 200 salles de culte, mais, aux termes des lois de notre République, nous n'avons pas vocation à le faire. Certes, il existe une tolérance dans les foyers où résident des migrants âgés qui ne peuvent pas se rendre à la mosquée, et je plaide pour que nous puissions maintenir cette tolérance. En revanche, il n'est pas acceptable que des salles permettant d'accueillir vingt personnes en accueillent en réalité trois cents, voire des milliers.
Pour instaurer un conseil de concertation dans les deux tiers de nos foyers, nous avons dû faire preuve d'un grand volontarisme. Dans le tiers des foyers qui n'en disposent pas, nous avons établi un procès-verbal de carence. Mais les conseils de concertation entraînent certaines difficultés pour les gestionnaires. Dans l'un de nos foyers, situé à Gennevilliers, les opposants au conseil, qui sont pourtant minoritaires, ont publié des articles défavorables dans la presse.
En matière de médiation sociale, Adoma dispose en interne de six cents intervenants sociaux, soit 25 % de son effectif, tous affectés aux demandeurs d'asile qui pourtant ne représentent que 10 % de notre public. Ni les jeunes précaires, victimes de toutes sortes d'addictions, ni les chibanis ne bénéficient d'interventions sociales. Le modèle économique des foyers ne le prévoyait pas. Aujourd'hui, l'AGLS représente 11 millions d'euros. Adoma en reçoit près de 4 millions, ce qui est notoirement insuffisant pour instaurer la médiation sociale ; par ailleurs, les foyers de travailleurs migrants n'y sont pas éligibles. Nous venons de créer soixante postes de médiation sociale. Ce chiffre représente une avancée significative, mais il est notoirement insuffisant.
En bref, je ne nie pas notre responsabilité en tant que gestionnaires, mais notre modèle économique ne permet pas de dégager des marges suffisantes pour financer la médiation sociale dans des proportions acceptables.