Intervention de Francis Mer

Réunion du 27 février 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Francis Mer, vice-président du groupe Safran, ancien président d'Usinor-Sacilor et d'Arcelor :

Non : il veut sortir de l'anonymat, et il n'a jusqu'à présent pas trop mal réussi. Croyez-vous vraiment que le personnel d'Arcelor France ait plaisir à entendre les commentaires des représentants de l'État à propos de « leur » patron ? Que cela les aide à bien travailler ? Le comportement de l'État français vis-à-vis de Mittal est absurde ! Mittal veut combler ses pertes et retrouver la meilleure rentabilité possible, non pour l'argent, mais pour continuer de grandir. Il est à mes yeux l'archétype de l'entrepreneur qui prend des risques, qui ne réussit pas à tous les coups, qui se casse la figure, qui cherche en permanence à rebondir, parce que sa raison d'être est d'entreprendre : de construire et de reconstruire. Parti de zéro, il a bâti la première entreprise sidérurgique mondiale : ce n'est pas mal, même si son groupe est fait de bric et de broc puisqu'il a beaucoup acheté à mauvais escient. Il va continuer à entreprendre ; n'imaginez donc pas qu'il cherche à quitter l'Europe, car son but est de réussir partout, peut-être jusque dans son pays d'origine, ce qui suppose des fondements solides, notamment sur notre continent.

Le Brésil est un autre point d'appui. Avec Arcelor, Mittal y a récupéré une superbe usine. La performance sidérurgique brésilienne est la meilleure du monde : les salaires des ouvriers y sont encore inférieurs aux salaires français mais tous les ingénieurs des mines y ont été formés à la française, dans une école fondée par un Français venu de l'École des mines de Paris à la fin du xixe siècle et arrivé sur le site à dos de mulet !

Il est vrai que Mittal n'a guère de contacts avec le personnel et que l'ambiance chez Arcelor, d'après les échos que j'en ai, n'est pas très bonne, ce qui n'a rien d'étonnant. Les départs sont nombreux et l'on risque de perdre de la matière grise en France comme en Belgique. Voilà quel est le point faible d'Arcelor et voilà ce que l'État pourrait faire valoir auprès de Mittal.

En ce qui concerne ULCOS, du point de vue technique, il y faut du temps, un peu d'argent – l'industrialisation coûte cher, surtout dans un haut fourneau –, des expérimentations, mais l'on saura faire un jour. Car ce projet n'est pas propre à Mittal : il est mondial. Les Japonais, les Coréens, les Allemands, les Anglais, donc les Indiens, en sont partie prenante. Sera-t-il réalisé à Florange où le haut fourneau est plus petit que les autres ? Je n'en sais strictement rien. Mais il ne faut pas espérer développer de nouveaux procédés permettant de réduire les émissions avant d'avoir élaboré une réglementation internationale sur l'environnement, indépendante du marché et qui pourrait conduire à créer – faites-vous plaisir ! – une organisation internationale sur le modèle de l'OMC. Le marché, dont Bruxelles a bêtement cru qu'il savait tout, ne sait ni ne peut rien. Si Rhodia – dont j'ai été l'administrateur – a réussi à attirer Solvay pour former un beau groupe, c'est parce qu'il a bénéficié pendant plusieurs années, de manière tout à fait consciente et organisée, d'une subvention indirecte sous forme de concours européens générés par sa politique environnementale. Sans cet argent du CO2, il était out !

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