Intervention de Jean-Pierre Fine

Réunion du 27 mars 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Jean-Pierre Fine, secrétaire général de l'UIMM :

Les effectifs de la métallurgie se montent à 1,5 million de personnes aujourd'hui contre 2 millions il y a vingt ans. Mais les activités externalisées ne sont plus comptabilisées au titre de cette branche, de sorte que certains auteurs estiment que la diminution n'est pas aussi forte que les chiffres le laissent penser. À l'appui de cette thèse, on notera que la production française en volume ne subit aucun déclin.

Les industriels et leurs représentants reconnaissent porter une responsabilité dans l'image négative qui affecte nos métiers, dont nous ne savons pas présenter les atouts : ce sont probablement ceux qui offrent la plus grande stabilité aux salariés en même temps que de vastes perspectives d'évolution professionnelle. Les débats de ces derniers mois sur l'instauration de dispositifs de soutien à la compétitivité de notre pays se sont notamment focalisés sur l'opportunité de les cibler ou non sur les secteurs exposés à la concurrence internationale, c'est-à-dire sur l'industrie ; cela a conduit à étudier la structure des salaires, examen qui a révélé que l'industrie offrait, après le secteur bancaire, les rémunérations les plus élevées. Un chaudronnier jeune diplômé gagne bien plus qu'une caissière de supermarché ! Là aussi, nous échouons à faire connaître ces avantages, car l'attention médiatique se fixe sur les fermetures de sites – qui créent de vrais problèmes sociaux –, engendrant ainsi un effet dévastateur sur l'attractivité des métiers industriels. Jusqu'à une période récente, ce handicap était renforcé par la popularisation du thème de la société post-industrielle, mais la crise de ces dernières années a contribué à faire évoluer la réflexion sur ce sujet dans un sens opposé ; les baromètres d'image ont fait apparaître un retournement, au profit d'un autre concept de société qui, élément positif, fait consensus dans la société comme dans le monde politique. Aujourd'hui, l'industrie est considérée comme un élément vital pour le développement de notre pays et ce constat partagé constitue une base solide pour la reconstruction de notre secteur industriel. Les organisations syndicales de salariés sont nos meilleures alliées sur ce sujet, car nous partageons les mêmes analyses et les mêmes objectifs.

Il convient donc de s'attaquer à ce problème des compétences, afin de restaurer l'industrie dans notre pays car nous disposons par ailleurs d'atouts considérables. Vous les connaissez tous : situation géographique, infrastructures et, domaines dans lesquels la France tient un des tout premiers rangs au monde, innovation et créativité.

Nous avons déployé des instruments de formation continue pour nos salariés, car les technologies évoluent très rapidement ; nous comprenons très bien que, pour des raisons sociales, on privilégie en la matière les dispositifs en faveur des moins qualifiés, mais ne négligeons pas pour autant le fait que l'avenir de notre pays et de notre industrie dépend du développement des plus hauts niveaux de compétence. Nous ne devons pas opposer le soutien au travail peu qualifié à la stimulation de l'excellence, d'autant que l'emploi non qualifié dépend de l'emploi qualifié, qui permet la croissance de la valeur ajoutée et de la production. L'efficacité de notre organe de formation continue, l'Association de formation professionnelle de l'industrie (AFPI), inspire plusieurs de nos homologues étrangers ; nous avons suppléé là le marché – un tel instrument nécessitant l'élaboration et la mise à jour d'outils onéreux – pour créer les conditions du maintien d'un haut niveau de compétences. Les entreprises en bénéficient directement, puisque les salariés doivent parfois être formés instantanément et de manière individualisée pour répondre à certaines commandes. Étant donné la nature des marchés, on ne peut pas attendre six mois pour leur dispenser une formation directement utile à leur travail : nos entreprises ont souvent dû refuser des commandes parce que leurs employés ne disposaient pas des compétences nécessaires.

Malgré le ralentissement économique général de ces dernières années, l'état de la pyramide des âges et la volonté de montrer aux jeunes qu'ils peuvent avoir un avenir dans l'industrie nous ont incités à développer les mécanismes d'alternance dans notre branche : ainsi, le nombre d'alternants s'élevait à près de 38 000 en 2012, contre 34 000 deux ans plus tôt. La formation par l'apprentissage va du CAP au diplôme d'ingénieur mais, dans nos centres, 60 % des apprentis suivent des formations d'un niveau supérieur au baccalauréat. Ces dispositifs fonctionnent, car le taux d'insertion dans l'entreprise et dans l'emploi s'élève à 85 %. Même si une évolution des outils peut être envisagée, nous devons absolument préserver ce lien fondamental entre l'apprentissage, l'entreprise et l'emploi.

Chaque année, 3 000 à 4 000 contrats d'apprentissage – soit 10 % environ de ceux qui sont offerts par nos entreprises – sont perdus par manque de candidats. En revanche, grâce à la qualité de cette formation, le taux d'abandon – l'un des problèmes de l'apprentissage en général – n'atteint pas 5 %, ce qui est sans doute à mettre en rapport avec l'excellent taux d'insertion ensuite. Ce dispositif de l'UIMM – qui repose sur un réseau de 4 500 formateurs – coûte cher à nos entreprises, mais elles en ont besoin.

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