Madame la présidente, je le regrette, mais s'agissant de la proposition de directive relative aux substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l'eau, les produits pharmaceutiques ne seront pas sur la liste. Peut-être les retrouverons-nous dans le suivi, ce qui serait le signe que la Commission garde un oeil sur le dossier. La manière dont les produits prioritaires sont choisis repose sur une approche purement scientifique. Plus de 2 000 substances ont été analysées mais la liste n'en comprend qu'une quinzaine. Nous avons établi cette proposition de directive de manière aussi souple que possible afin d'éviter des difficultés d'application dans certains États membres. Il y avait la volonté de trouver un accord dès la première lecture. La Commission, qui est disposée à prendre le dossier à bras-le-corps, a dû revoir ses ambitions à la baisse. La qualité de l'eau que l'on boit doit être suffisante.
Monsieur Leroy, je suis fermement convaincu que la seule approche économique que nous devions suivre est celle qui nous conduit à consommer moins d'énergie, moins d'eau et moins de matière première tout en assurant leur recyclage. Il nous appartient de diriger les économies dans cette direction. La croissance verte est le seul modèle de croissance viable. Il convient d'en persuader les investisseurs afin de disposer des capitaux nécessaires car nous avons besoin des forces vives du marché pour orienter les économies sur la voie d'un vrai développement économique, financier et social. Les industriels et les investisseurs doivent acquérir une conscience environnementale, plutôt que de dépenser leur énergie à défendre l'indéfendable en dénonçant la lourdeur de la réglementation. Ils doivent se concentrer sur les réponses qu'il conviendra d'offrir à l'avenir. D'un point de vue politique, il faut désormais recourir à la fois à l'innovation et à l'incitation. Nous devons notamment encourager les entreprises à innover en envoyant des signaux clairs au secteur privé. L'objectif n'est pas de tuer l'industrie avec gentillesse mais de la motiver en tenant compte de l'interdépendance européenne.
Je suis satisfait des dernières évolutions du Conseil mondial pour le développement durable : nous avons une masse critique favorable au changement ; c'est ce qui compte s'agissant du lien entre politique économique et politique environnementale. Il ne faut pas privilégier le conflit mais conjuguer les forces de chacune des parties pour avancer.
S'agissant des difficultés que certains pays rencontrent à mettre en oeuvre une réglementation européenne, ma politique est d'être strict tout en aidant et d'aider tout en restant strict : je suis heureux chaque fois que je peux faire bouger les lignes sans exercer de pression. Il est toujours possible de trouver un terrain d'entente mais si l'application des nouvelles réglementations rencontre des obstacles, qui parfois datent de quinze ans, alors, il faut recourir aux procédures en violation. À mes yeux, les tribunaux ne sont pas un lieu de conflit mais de décision entre deux parties qui n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'application d'une directive. Ils permettent également de répondre aux difficultés inhérentes à la législation européenne, laquelle n'est pas toujours suffisamment claire et précise dans sa mise en oeuvre. C'est le côté utile des arrêts rendus par les tribunaux.
Le captage et le stockage géologique du CO2 – ou CCS, pour Carbon Capture and Storage – conditionnent l'avenir. Malheureusement, nous sommes coincés entre la nécessité de trouver immédiatement des solutions et le fait que nous ne disposions pas encore de ces solutions. Voilà pourquoi nous sommes à la recherche de solutions innovantes. Je suis convaincu qu'il faut soutenir les énergies renouvelables tout en investissant à moyen terme dans le CCS, car de nombreux États continueront d'utiliser du charbon. La solution réside dans l'efficacité énergétique. Nous n'avons pas suffisamment modifié nos structures en vue de les rendre moins gourmandes en énergie.
En septembre et en octobre prochains, l'Europe prévoit de revoir sa législation en matière de politique de l'air et de lutte contre les pollutions atmosphériques. Les législations nationales doivent aboutir à une approche cohérente au plan européen en vue d'éradiquer les problèmes de pollution atmosphérique. La qualité de l'air s'est fortement améliorée depuis l'instauration d'une législation commune en la matière. Toutefois, des problèmes graves demeurent en matière de particules, d'ozone et de dioxyde d'azote (NO2). Nos exigences sont du reste inférieures à celles de l'OMS : 20 % de la population européenne vit dans des zones où la qualité de l'air est mauvaise, 80 % de la population urbaine étant surexposée aux particules fines. Nous devons améliorer notre législation en la matière.
S'agissant de l'eau, nos législations se sont surajoutées au fil des années, certaines risquant de se juxtaposer. C'est pourquoi il convient de procéder de temps à autre à une révision. Le schéma directeur pour préserver les ressources en eau de l'Europe, adopté en 2012, nous a permis de nous rendre compte qu'il n'y avait pas de doublon. Il convient évidemment d'éviter les législations encombrantes car inapplicables. Le seul critère qui motive mes décisions est leur impact sur l'environnement.
C'est vrai, 80 % des déchets présents dans la mer proviennent des terres et 80 % de ces déchets terrestres sont des déchets plastiques. C'est pourquoi, il convient de fixer des objectifs. J'espère bénéficier du soutien des États membres sur la question. Il est en effet nécessaire d'avoir une approche internationale car aucun pays ne peut relever ce défi tout seul. Dans le même esprit, je prépare une proposition de directive relative aux sacs plastiques à usage unique, qui reposerait sur le recours à des instruments économiques. L'expérience irlandaise montre en effet que le recours à de tels instruments permet de faire baisser en un an de 80 % l'utilisation de sacs jetables. De même, il faut faire attention aux plastiques biodégradables, qui le sont fort peu dans le milieu marin ; leur caractère biodégradable doit encore être amélioré.
La France est un partenaire important dans les discussions internationales ; je peux compter sur elle. Elle fait toutefois l'objet de quatorze procédures pour violation : le mieux serait pour elle d'accélérer le règlement de ces différends.
S'agissant de la fiscalité écologique, la France a une marge de manoeuvre importante. Elle pourrait transférer sa fiscalité de la main-d'oeuvre sur l'environnement et les carburants. Je ne demande donc pas de nouvelle fiscalité, même si une augmentation de la TVA est toujours possible, mais il me semblerait préférable pour la France de baisser le coût du travail, qui demeure trop cher.
Les énergies renouvelables tiennent compte de l'environnement au sens large. Il incombe aux États membres de prendre leurs responsabilités en la matière, dans le cadre de la législation européenne, dont les résultats sont très différents d'un État membre à un autre, en termes de durée notamment – je pense par exemple au délai d'installation des éoliennes. Si nous voulons que les émissions de CO2 diminuent de 80 % à 95 % d'ici à 2050, il conviendra, passé les objectifs pour 2020, de fixer de nouveaux objectifs. Je ne crois que dans des objectifs chiffrés, car ils permettent de garantir la crédibilité des engagements pris sur le long terme – ce sont les commissaires chargés de l'énergie et de l'action pour le climat qui s'en occupent.
Nous travaillons à un cadre permettant une meilleure acceptation sociale de l'exploitation des gaz de schistes car il n'est pas possible de développer une technologie si elle n'est pas acceptée par la société. Si le débat sur les OGM avait été lancé dans des conditions différentes, peut-être aurait-il abouti à un résultat différent. D'ailleurs, l'Europe ne peut faire l'économie d'un vrai débat sur l'utilisation des OGM – l'Afrique, elle, n'a pas le choix, car elle doit produire des plantes résistantes à la sécheresse. Les États membres doivent prendre leurs responsabilités en la matière.
De manière générale, il est important d'adopter des cadres clairs, prévisibles, qui permettent de créer de l'acceptation sociale, afin que ceux qui veulent avancer dans telle ou telle direction puissent disposer d'un modèle économique. Je rappellerai que le bouquet énergétique relève de la subsidiarité : c'est aux États membres qu'il incombe de décider de la marche à suivre en la matière.