Intervention de Janez Potočnik

Réunion du 3 avril 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Janez Potočnik, commissaire européen chargé de l'environnement :

S'agissant de la préservation du grand hamster d'Alsace, je répondrai à la fois du point de vue juridique et sur le fond. Non seulement l'arrêt de la Cour doit être appliqué, mais, surtout, cette question, qui est emblématique de la cohabitation entre la nature et l'agriculture, dépasse le seul hamster pour viser les pratiques agricoles elles-mêmes dans leur impact sur la biodiversité. C'est pourquoi cette affaire importante nous tient à coeur.

S'il est vrai que les acteurs économiques doivent avoir une certaine visibilité, il est tout aussi nécessaire de maintenir le cap, dès lors que nous avons fixé des engagements sur dix ou vingt ans, s'agissant notamment de la question de l'eau ou de celle des terres arables.

Les biocarburants sont en concurrence avec la production alimentaire. Il faut savoir concilier les deux exigences, de même que l'agrandissement des villes avec le respect des terres arables ou celui de la biodiversité. Alors que nos surfaces sont limitées, notre potentiel d'utilisation est immense. Il faut peser les différents arguments avant de trancher. J'étais chargé de la science et de la recherche dans la précédente Commission : le taux d'incorporation de 10 % de biocarburants m'apparaissait déjà comme trop élevé. À mes yeux, seules les avancées réalisées par les deuxièmes et troisièmes générations de biocarburants permettront de diminuer leur concurrence avec la production alimentaire. La question était d'ailleurs à l'époque également d'ordre moral : fallait-il utiliser les terres arables à des fins alimentaires ou énergétiques ? La Commission européenne a bien fait de changer de position en limitant à 5 % le taux d'incorporation de biocarburants.

Son examen a montré l'efficacité du règlement REACH, que nous n'avons pas l'intention de modifier sur le fond. L'industrie a fait preuve de son engagement. Nous sommes toujours au milieu du gué et devons encore améliorer la législation en matière de substances chimiques. C'est un exercice complexe, qui exige de garder le cap. Il est important que l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA, pour European Chemicals Agency), qui est chargée de faire appliquer ce règlement, puisse renforcer ses études, notre objectif étant d'améliorer la qualité des dossiers que nous lui présentons. Il faut faire preuve de cohérence et de patience.

S'agissant des nitrates, la France doit faire face à deux procédures ; les tribunaux trancheront. Qu'on le veuille ou non, il faudra réconcilier les intérêts environnementaux et agricoles. On ne saurait ignorer les arguments d'une des deux parties.

Nous travaillons sur les cargaisons de déchets, question importante – c'est la raison pour laquelle je l'ai évoquée dans mon intervention initiale.

S'agissant de la directive pesticide et des abeilles, nous devons tout faire pour protéger la biodiversité, dont les abeilles sont une espèce emblématique. Mes collègues chargés de la santé animale s'occupent également de cette question. Il faut naturellement tenir compte des conséquences des pesticides sur la biodiversité, notamment sur les abeilles. C'est une de nos priorités.

En ce qui concerne les gaz de schistes, nous travaillons, pour la fin de l'année, à un cadre unique – c'est l'engagement de M. Oettinger et le mien – tenant compte des problématiques de santé publique et d'environnement.

J'ai pris bonne note de la question de la chasse aux oies – je ne connais pas le dossier dans le détail.

Les zones Natura 2000 sont protégées en raison de menaces clairement identifiées sur l'habitat de certaines espèces animales – 17 % des territoires présentent à l'heure actuelle un bon état de conservation. Il faut désormais se concentrer sur la gestion et le financement des sites Natura 2000. Si les États membres, sur la base des avis rendus par leurs experts, ont identifié de nouvelles zones menacées, celles-ci doivent être protégées. Je rappelle que Natura 2000 a été décidée par les États membres, que ce n'est donc pas un projet de la Commission, dont le rôle consiste à s'assurer que les efforts réalisés en termes de protection demeurent conformes aux objectifs fixés en amont. Parfois, c'est vrai, les populations refusent l'extension de ces zones. Il faut alors tenter de leur expliquer les avantages de Natura 2000 – en Slovénie, ces zones couvrent 36 % du territoire, contre 12 % en France. L'objectif de Natura 2000 n'est pas d'empêcher l'activité économique mais d'assurer la coexistence de la nature et de l'homme. Il ne s'agit pas de créer, comme aux États-Unis, des réserves naturelles protégées à 100 %, vides de toute activité économique.

C'est vrai, il faut tendre à la plus grande stabilité réglementaire possible, mais à condition que de nouvelles expertises ne modifient pas la donne. Ce qu'il faut, c'est créer les conditions permettant de stabiliser les situations elles-mêmes.

La décision d'augmenter les taxes sur le diesel relève des États membres. Passer d'une taxation sur le travail à une taxation sur la pollution me paraîtrait une excellente approche.

La nouvelle politique commune de la pêche va dans le bon sens, qu'il s'agisse de la surpêche ou du respect de la biodiversité marine. La surpêche est un exemple privilégié du conflit opposant le court terme au long terme. Sur le long terme, le pêcheur a les mêmes intérêts que le défenseur de l'environnement : protéger les ressources marines pour assurer une pêche pérenne. Sur le court terme, en revanche, le pêcheur voudra surpêcher et l'écologiste interdire la pêche. C'est pourquoi la nouvelle politique commune de la pêche s'inscrit dans une vision à long terme.

Je me renseignerai sur la question de la libre circulation des camions de soixante tonnes, qui n'entre pas dans le champ de mes compétences.

Nous sommes très inquiets des différentes pressions exercées sur la région arctique et les populations qui y vivent, d'autant que nous n'ignorons rien de notre empreinte sur la zone. C'est pourquoi l'Union européenne travaille avec les différentes communautés qui y vivent, dans un triple objectif : protéger l'Arctique en accord avec ses populations, promouvoir l'utilisation pérenne des ressources et contribuer à une coopération arctique renforcée. Le cadre international est déjà en place. Nous demandons sa mise en oeuvre complète, ce qui n'interdit pas, en attendant, de travailler plus avant notamment à la protection des populations indigènes ainsi qu'à la résolution des problèmes liés à la subsistance des mammifères marins. La Finlande a formulé des propositions pour la création d'un centre d'information européen sur l'Arctique ; nous en tiendrons compte dans le cadre du projet géré par la direction générale de l'environnement pour tester la faisabilité et la soutenabilité du concept. Notre engagement sur l'Arctique sera pérenne, indépendamment de la réponse que le Conseil arctique donnera à la demande faite par l'Union européenne d'y obtenir une place d'observateur.

C'est à l'Allemagne qu'il incombe de décider de son plan de sortie du nucléaire. La décision allemande n'a évidemment rien à voir avec le bouquet énergétique français actuel. Le paquet européen énergie-climat impose toutefois des limites, s'agissant notamment de la réalisation de l'objectif « 3x20 ». Ce sont autant d'éléments que les États membres doivent appliquer – ils peuvent évidemment faire encore mieux, mais cela relève de leur responsabilité.

Monsieur le Président, je ne suis pas opposé à la nomination d'un commissaire européen au long terme mais la décision appartient au président de la Commission européenne !

La Commission a présenté une proposition de ratification du protocole APA de Nagoya ; il appartient désormais aux États membres et au Parlement européen de se prononcer pour accélérer le processus. J'espère que nous pourrons participer à la première réunion conjointe sur le protocole APA car nous sommes les moteurs des décisions prises à Nagoya.

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