Intervention de Ali El Baz

Réunion du 21 février 2013 à 9h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Ali El Baz, membre du Groupe d'intervention et de soutien des immigrés, GISTI :

Notre débat sur la population immigrée vieillissante ne saurait s'abstraire d'un contexte plus global marqué par des politiques xénophobes et discriminatoires associées à une précarité dont le chômage et la crise du logement sont les éléments les plus apparents.

Le droit de vivre en famille est consacré par de nombreux textes internationaux ainsi que par la loi DALO. Les conditions du regroupement familial – des ressources égales ou supérieures au SMIC et un logement décent – sont considérées comme facilement accessibles à qui le veut vraiment. Or, même quand une personne remplit les conditions de ressources et de logement, l'administration, par excès de zèle, peut refuser le regroupement. Nous avons reçu un courrier notifié le 23 janvier 2013 par le préfet de la Haute-Savoie, qui indique : « Bien que le montant de vos revenus mensuels moyens – soit 1 494 euros – atteigne le seuil requis pour un couple, vos revenus ne revêtent aucune garantie de stabilité dès lors que vous ne bénéficiez que d'un contrat à durée déterminée. »

Je pense également au statut des anciens mineurs, auxquels a été proposée une préretraite en 1987 appelée « congé charbonnier », qui a amputé leur retraite postérieure, ou aux cheminots maghrébins qui, après avoir travaillé à la SNCF durant des décennies, se retrouvent discriminés sans pouvoir bénéficier des mêmes retraites et avantages que leurs collègues français.

Selon le dernier rapport d'ATD Quart Monde, un million de demandes de logements sont insatisfaites pour ressources insuffisantes. Le rapport précise également que « le système d'attribution est opaque et injuste ».

L'accumulation de plusieurs critères négatifs – l'âge, de faibles ressources et la nationalité étrangère – transforme l'accès à une vie familiale normale en rêve inaccessible.

À la suite des pressions exercées par plusieurs associations et d'une délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), la « loi Hortefeux » du 20 novembre 2007 relative au regroupement familial prévoit une dérogation en matière de ressources à l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour les bénéficiaires de l'AAH et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI). Saisie une nouvelle fois par des associations, la HALDE a reconnu le 1er mars 2010 que la condition de ressources peut être discriminatoire à raison du handicap, de l'âge, de la nationalité ou encore de l'état de santé, en violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Toutefois, même si le législateur instaure une dérogation pour les revenus, le logement constituera toujours un frein au regroupement familial. En région parisienne, la majorité des résidents de logements insalubres sont dirigés vers les foyers. Or, une fois qu'ils y sont entrés, il leur est quasiment impossible d'en sortir, car les demandes de logement sont systématiquement rejetées, ce qui bloque toute tentative de regroupement familial.

Les politiques publiques en direction des personnes âgées se traduisent pour celles-ci par une perte de temps excessive tout en visant à contraindre les vieux migrants à retourner dans leur pays d'origine.

Le dernier rapport de la Cour des comptes révèle que, en 1991, Adoma a pris la décision de construire des maisonnées pour le troisième âge, mais que le projet a été abandonné l'année suivante. Ce n'est que quinze ans plus tard, en 2005, qu'Adoma a entrepris la construction de deux établissements pour vieux migrants à titre expérimental. Le projet s'est arrêté là, ce qui démontre que le caractère d'urgence n'a jamais été pris en considération, alors qu'Adoma reconnaît que trois personnes meurent chaque jour dans ses foyers.

Lorsque des décisions d'éloignement sont prises, c'est toujours avec de bonnes intentions. Je pense notamment à la carte de séjour portant la mention « retraité », à l'allocation de réinsertion sociale et familiale des anciens migrants ou aux dernières conventions bilatérales franco-tunisienne ou franco-marocaine. En fait, ces dispositifs ont tous pour objectif d'éloigner le migrant en le faisant bénéficier de prestations dans son pays d'origine. Jamais n'est pris en considération le fait qu'il puisse désirer résider à la fois ici et là-bas, c'est-à-dire en France et dans son pays d'origine. La carte de résident permanent, quant à elle, prévue à l'article L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est quasi clandestine puisque personne n'en parle, même dans le milieu associatif. Elle a été instaurée par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. Le deuxième alinéa précise : « Lors du dépôt de sa demande de renouvellement de carte de résident, l'étranger est dûment informé des conditions dans lesquelles il pourra se voir accorder une carte de résident permanent. » Toutefois, le demandeur est prévenu : la préfecture dispose d'un pouvoir discrétionnaire. Il doit en effet remplir deux conditions : sa présence en France ne doit pas constituer une menace pour l'ordre public et il doit prouver son intégration républicaine dans la société française. Or, cette carte est méconnue du public, même si elle présente une avancée en direction des migrants. Ce déficit est caractéristique de l'absence d'information relative aux droits nouveaux ou anciens. En revanche, quand il s'agit de faire respecter ses droits, l'administration ne se prive pas d'excès de zèle.

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