On demande à l'administration d'être efficace : c'est ainsi que Mme Roselyne Bachelot, alors ministre des solidarités et de la cohésion sociale, avait désigné huit départements pilotes dans la lutte contre la fraude. Nous aurions aimé connaître les résultats chiffrés de cette politique. Il va de soi que, par souci d'efficacité, les contrôleurs vont là où ils pensent avoir le plus de chance de dépister des fraudeurs : ils ciblent les quartiers ou les foyers qui sont l'objet de rumeurs. C'est ainsi qu'à Vénissieux, 50 % des contrôles sont concentrés sur deux foyers, alors que les chibanis y sont devenus minoritaires. Certains contrôles ont lieu à la fin du ramadan ou durant les vacances à des périodes où la probabilité que les habitants des foyers soient au pays est relativement élevée. Ces contrôles sont donc bien ciblés.
Par ailleurs, même si ces contrôles n'étaient pas discriminatoires, ils demeureraient injustes, car ils visent une population qui a une histoire précise. Le mot discrimination a changé de sens : auparavant, il s'agissait de permettre à certains d'avoir accès au droit commun ou à des avantages précis en fonction de leur itinéraire. Quand les chibanis retournent chez eux, c'est pour voir leur famille. Il faut savoir que, pour entrer dans les foyers Adoma, ils ont été « célibatairisés », même s'ils sont mariés et ont des enfants dans leur pays d'origine.
Il ne faut pas non plus oublier que c'est sous couvert d'une opération immobilière qu'on a vidé de ses immigrés le quartier Belsunce, à Marseille, en demandant à l'administration fiscale de ne plus leur délivrer d'avis d'imposition ou de non-imposition, ce qui a coupé leurs droits aux prestations.
S'agissant des conventions bilatérales, la France, dont la prétention à garantir l'égalité sociale est réelle, devrait appliquer le mieux-disant. La presse a évoqué le cas de plusieurs centaines de retraités aux très faibles revenus qui vont s'installer dans le sud du Maroc : ils seront un jour ou l'autre confrontés aux mêmes difficultés qu'en France. Le plus important est d'assurer, en matière de convention, la plus grande transparence possible. Les immigrés doivent être associés à l'établissement de ces conventions et doivent en être informés.
Enfin, la mission d'information n'a-t-elle pas une autorité morale suffisante pour émettre le voeu d'un moratoire sur les contrôles pratiqués par les caisses et l'obligation des remboursements, le temps qu'elle rende ses conclusions ?