Intervention de Antoine Math

Réunion du 21 février 2013 à 9h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Antoine Math, membre du Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l'égalité des droits, CATRED :

L'accès aux droits, pour l'administration, se limite trop souvent à l'existence d'une brochure explicative ou d'un point d'accès aux droits. Or, pour se traduire concrètement, l'accès aux droits demande un suivi, surtout quand il s'agit de personnes âgées qui doivent résoudre des problèmes de reconnaissance d'accident du travail, d'invalidité ou de handicap, de santé, d'accession aux droits sociaux ou de versement des pensions. Le CATRED reçoit chaque année quelque 4 500 appels téléphoniques, qui donnent lieu à 1 500 rendez-vous – 1 200 concernent les droits sociaux et 300 des problèmes de droit au séjour ou de nationalité pour des retraités handicapés ou invalides. Ces 1 500 rendez-vous génèrent à leur tour 600 dossiers, dont certains demandent plusieurs années avant d'être réglés, car le suivi, notamment contentieux, peut se révéler très long et compliqué. Les cafés sociaux ont leur utilité, mais ils ne peuvent pas remplacer l'action des associations, qui ont malheureusement très peu de moyens.

Dans certaines régions, notamment dans le grand Ouest ou dans l'Est, les retours négatifs sont peu nombreux. Est-ce parce que les relations avec l'administration sont au beau fixe ou parce que notre association est inégalement répartie sur le territoire, à l'instar, du reste, de l'immigration ? Nous n'en savons rien.

La délibération d'avril 2009 de la HALDE, à la suite d'un contrôle de la CAF du Val-d'Oise dans un foyer en 2008, a évidemment eu des effets immédiats – plusieurs contrôleurs de la CAF nous ont alors fait part de leur volonté de respecter strictement les procédures. Il faut savoir toutefois que les caisses locales des CAF, des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) ou de la Mutualité sociale agricole (MSA) sont autonomes : de ce fait, leurs pratiques varient dans l'espace et le temps. C'est ainsi que nous avons connu des problèmes en 2009 à Toulouse et en 2011 à Lyon. De plus, les problèmes ne sont pas les mêmes, qu'il s'agisse de la CAF, de la CARSAT ou d'autres caisses. Il est donc difficile d'établir la cartographie des difficultés.

La condition de résidence des six mois a été calée par décret, en 2007, sur la condition de résidence en matière fiscale. Or l'article 4 B du code général des impôts prévoit qu'une personne qui réside moins de six mois en France peut tout de même être considérée comme ayant sa résidence principale en France si l'administration fiscale considère que cette personne y a ses attaches principales. Il faut évidemment que l'administration fiscale fasse son travail. Les caisses de sécurité sociale pourraient avoir la même démarche à l'égard des immigrés retraités qui vivent plus de six mois hors de France.

Les conditions pour obtenir les diverses prestations sont différentes entre elles. Pour percevoir les aides au logement, il faut occuper effectivement le logement huit mois par année civile – des aménagements sont prévus en cas d'accidents ou de soins médicaux. Or, des caisses n'appliquent pas la règle des huit mois par année civile. Si une personne s'absente du mois de septembre au mois de mars, la caisse considérera qu'elle a été absente durant sept mois, alors qu'elle a été absente quatre mois la première année civile, trois mois la seconde : elle remplit donc les conditions de résidence, les textes législatifs sont très clairs.

Alors que nous avons perçu un durcissement très net des caisses de sécurité sociale à partir de 2008 et de 2009 en réponse à des instructions précises, l'attitude de l'administration fiscale a plutôt dépendu d'initiatives locales isolées, que l'on pourrait qualifier de malveillantes : c'est ainsi que, en 2005 et en 2006, à Marseille, l'administration fiscale a cherché à radier tous les immigrés âgés vivant dans des hôtels meublés et qui, de ce fait, ne payaient pas d'impôts locaux. Or, faute d'avis d'imposition ou de non-imposition, ils ne pouvaient plus percevoir de prestations sociales. Plusieurs plaintes ont été déposées, soutenues par le GISTI, et une délibération de la HALDE a permis de mettre fin à ces pratiques. Nous avons également eu des problèmes de même nature avec le centre des impôts de Gennevilliers et, en septembre 2012, des immigrés âgés et des saisonniers agricoles se sont plaints de pratiques semblables du côté de l'Étang de Berre dans les Bouches-du-Rhône.

Je ne peux pas administrer la preuve du ciblage des contrôles, mais, à mes yeux, il convient d'en inverser la charge, car les administrations mentent lorsqu'elles prétendent ne pas disposer de statistiques portant sur la nationalité des bénéficiaires du minimum vieillesse, alors que l'octroi de la prestation est conditionné, entre autre, à la régularité du séjour. La nationalité des bénéficiaires figure donc dans les fichiers.

Les méthodes de data mining utilisées en vue de rendre les contrôles plus efficaces nous inquiètent également. Cette technique statistique vise à révéler des profils types de fraudeurs afin de cibler les contrôles sur les personnes qui partagent ces mêmes caractéristiques, que ce soit en termes d'âge, de nombre d'enfants ou de nationalité. Toutefois, certaines caractéristiques couplées ressortent nécessairement en cas de contrôles massifs dans les foyers – âge, prestations, nationalités. Nous n'avons aucune information précise sur les profils exacts que cette technique a permis de définir.

Les caisses ne ciblent pas uniquement les immigrés âgés, mais plus généralement les populations précaires. Trop souvent, elles ne respectent pas la loi, notamment celle du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, en matière de notification des suspensions, de motivation en fait et en droit des décisions de refus et de respect du principe du contradictoire.

Les recours sont peu nombreux en raison des pressions exercées par les caisses en matière de recouvrement des indus : les intéressés craignent une diminution de leurs prestations – j'ai connaissance d'un recouvrement s'étalant jusqu'en 2045. C'est pourquoi, dans l'affaire de la caisse du Val-d'Oise, très peu de personnes concernées ont porté plainte : elles ont préféré négocier et renoncer à leur recours, même si celui-ci était solidement fondé. De plus, tous les documents – bulletins de paie, retraits d'argent ou certificats médicaux – attestant de la présence de la personne en France sont écartés par la justice – qui soupçonne la personne d'être revenue uniquement pour obtenir ces documents –, alors que tous les éléments liés au pays d'origine sont portés à charge. Quant au passeport, il est toujours présenté comme la preuve par excellence du retour en France. Or, il faut savoir qu'il n'est pas nécessairement tamponné à chaque passage à la douane. Le passeport n'apporte donc aucune preuve absolue en matière d'absence du territoire français.

Madame Geoffroy, la majoration prévue à l'article L. 814-2 du code de la sécurité sociale permettait de porter le montant du « premier étage » de l'ancien minimum vieillesse à 280 euros pour les personnes dont les pensions étaient inférieures à ce montant. C'est l'allocation supplémentaire qui permettait d'atteindre le minimum vieillesse. L'ordonnance de 2004, créant l'ASPA en vue de simplifier le minimum vieillesse à compter du 1er janvier 2007, avait prévu un complément de retraite équivalent pour les non-résidents. Or, en 2006, le législateur a décidé, dans un climat défavorable aux immigrés âgés et pour réaliser des économies, de supprimer le complément de retraite avant même son entrée en application. L'ancienne majoration n'avait jamais posé aucun problème juridique, notamment au regard du droit communautaire ou en termes de discrimination. Il est donc possible de prévoir la portabilité d'une partie du minimum vieillesse : c'est un garde-fou nécessaire.

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