La CNAV, qui gère le régime des salariés du secteur privé, est le premier opérateur de la retraite en France. Sans vous accabler de chiffres, cela représente grosso modo 100 milliards d'euros de prestations et 13 millions de retraités. La CNAV est à la fois caisse nationale et caisse compétente pour l'Île-de-France, les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) étant compétentes pour les autres régions.
Nous nous réjouissons qu'une mission parlementaire soit consacrée au sujet des immigrés âgés, qui est rarement appréhendé dans sa globalité.
En tant que régime général de la sécurité sociale, le sujet nous intéresse pour trois raisons principales.
Premièrement, la CNAV consacre une partie de son activité de recherche à la population immigrée vieillissante. Elle dispose en effet d'une unité de recherche sur le vieillissement, longtemps sous la responsabilité de Mme Claudine Attias-Donfut. Cette unité a effectué un travail pionnier sur cette population au travers de trois thèmes distincts : l'enracinement, à partir d'une démarche quantitative de grande ampleur, réalisée en partenariat avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), sur la base d'un échantillon de 6 500 personnes – qui a permis de montrer que le retour au pays était tout sauf une évidence ; les foyers de travailleurs migrants ; la population originaire d'Afrique subsaharienne.
Ces travaux de recherche se justifient par eux-mêmes ; ils représentent une source précieuse et unique. Ils ont conforté plusieurs constats sur les difficultés rencontrées par les personnes immigrées âgées : isolement, méconnaissance des prestations, précarité du logement, difficultés d'accès aux soins. Ils nous permettent également d'améliorer notre service public en matière de retraite et d'action sociale.
Deuxièmement, en tant que caisse de retraite, nous sommes responsables du paiement à bon droit des pensions. Nous attribuons des droits à retraite, notamment l'ASPA, soumise à des conditions de ressources, de résidence et de régularité du séjour. Celles-ci n'ont pas été fixées par la CNAV, qui est un opérateur, mais par les pouvoirs publics.
Sur les 422 000 bénéficiaires de l'ASPA relevant du régime général, la population immigrée âgée est importante : 162 000, soit près de 40 %, sont nés à l'étranger. Parmi ceux-ci, plus de 60 % sont nés au Maghreb – en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Je tiens à préciser que nous ne faisons pas figurer la nationalité dans nos fichiers ; nous ne connaissons que le pays de naissance.
Á partir du moment où une prestation est sous condition de ressources et de résidence, déterminées par les pouvoirs publics, il apparaît logique qu'il existe des contrôles. Mais je sais que nous pouvons parfois être critiqués sur ce point.
Nous avons deux types de contrôles : un contrôle systématique des non-résidents fiscaux en France, sur la base de questionnaires adressés aux retraités ; et des contrôles anti-fraudes, ciblés selon plusieurs critères : le nombre d'assurés résidant à une même adresse, le libellé de l'adresse, la déclaration de soin à l'étranger. En aucun cas, nous n'utilisons le critère de la nationalité, simplement parce que le système d'information de la branche retraite ne le permet pas, conformément à la réglementation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Sur les contrôles nécessitant une enquête et un déplacement sur place, le pourcentage des dossiers contrôlés chaque année s'élève à moins de 1 % du stock total des avantages non contributifs. Nous avons effectué 3 656 contrôles de lutte contre la fraude sur la condition de résidence en 2011 et avons détecté 250 cas de fraude.
Nos chiffres n'attestent pas d'un déséquilibre dans la répartition des contrôles ni d'un quelconque ciblage sur les foyers des travailleurs migrants.
Les remontées « métier » font apparaître une incompréhension des droits, avec une confusion entre la pension de retraite contributive et l'ASPA, qui est non contributive et repose donc sur des conditions différentes. Nous nous sommes donc efforcés de mieux expliquer la législation retraite, en revoyant notre brochure Les allocations du minimum – à la demande d'administrateurs de la CNAV – ou en participant à la rédaction du Guide du retraité étranger, en partenariat avec l'Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) et la direction de l'accueil et de l'intégration (DAIC) du ministère de l'intérieur. Ce guide est destiné aux personnes travaillant dans les structures de prise en charge des travailleurs migrants âgés.
Troisièmement, la population âgée immigrée fait partie des populations âgées précaires qui constituent aujourd'hui la cible de notre action sociale.
La politique d'action sociale nationale a été nourrie par les travaux de recherche sur les enjeux liés à une meilleure prise en charge de la population immigrée âgée, à savoir l'accès aux soins, l'accès à l'information et l'amélioration des conditions de vie. Avec la Caisse nationale de l'assurance maladie, nous avons défini le plan de préservation de l'autonomie des personnes âgées (PAPA), dont un volet particulier vise à mieux prendre en compte les difficultés de cette population. Notre offre de services est déclinée sur quatre aspects : l'accès aux droits et l'accès aux soins, les actions sous forme d'ateliers adaptés pour favoriser une prise de conscience sur les enjeux liés au « bien vieillir », l'aide au maintien à domicile et l'amélioration du cadre de vie.
L'accès aux droits et l'accès aux soins passe à la fois par l'information des professionnels relais – agents de médiation, agents de développement local d'intégration (ADLI), référents opérationnels des foyers ou résidences sociales – et l'information collective, avec l'intervention d'acteurs de la santé et de la retraite au sein des foyers de travailleurs migrants. L'objectif est d'organiser des ateliers collectifs sur les thèmes essentiels du « bien vieillir » – nutrition, équilibre, mémoire –, comme nous le faisons pour tous les retraités du régime général.
Nous souhaitons développer également les aides individuelles – aides au maintien à domicile et aide à l'amélioration du cadre de vie pour les espaces individuels –, mais sous la forme d'un financement collectif directement versé aux foyers. Nous expérimentons cet axe d'intervention aujourd'hui dans la région Sud-Est. La CNAV apporte également des prêts visant à financer des plans d'amélioration d'espaces collectifs. Dans le cadre de l'enveloppe « lieux de vie collectifs », 7,7 millions d'euros ont été accordés sous forme de prêts entre 2009 et 2012 afin d'aider les gestionnaires de foyers à adapter des espaces collectifs au vieillissement de leurs résidents.
Enfin, nous encourageons, à travers le plan PAPA, les caisses de retraite de notre réseau à développer des actions de coopération avec l'ensemble des acteurs, dont les associations, qui doivent être associées au dispositif public de prise en charge.
À l'échelon national, la CNAV a consolidé sa politique de partenariat grâce à la signature de deux conventions, le 22 mai 2012, avec l'UNAFO et Adoma.
En conclusion, je souhaiterais vous faire part de nos propositions d'actions visant à une meilleure prise en charge des personnes immigrées âgées.
Dans le domaine de la recherche, nous souhaitons maintenir une activité de veille attentive à l'évolution de cette population et nous pencher plus particulièrement sur la situation des femmes.
Dans celui de l'action sociale, nous voulons améliorer la visibilité des moyens de financement alloués pour adapter les lieux de vie collectifs. Une enveloppe fléchée, dans le cadre de notre future convention d'objectifs et de gestion (COG), pourrait constituer une réponse.
Dans le métier de la retraite, nous souhaitons renforcer les efforts que nous avons engagés pour la formation de nos agents en contact avec cette population.
Par ailleurs, pour améliorer l'information des immigrés âgés et l'accès aux droits, il nous paraît essentiel de clarifier un certain nombre de règles juridiques et d'établir des liens avec les différents acteurs associatifs, afin de mieux expliquer les conditions d'octroi des prestations et de service. Mais, une fois encore, la CNAV n'a pas à modifier des règles dont l'appréciation revient aux seuls pouvoirs publics : elle peut seulement faire des propositions au vu de son expérience.
Je crois souhaitable de mettre fin à une incohérence sur la condition de résidence : s'il faut justifier de six mois de présence sur le territoire français pour le maintien du versement de l'ASPA, cette durée n'est pas exigée lors de l'attribution de cette aide. Cela est source de confusion pour la population concernée. Il serait peut-être plus simple de prévoir cette clause de six mois dès l'attribution.
Enfin, la condition de stage de dix ans, introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, se heurte à plusieurs obstacles pour être appliquée. Le ministère des affaires sociales et de la santé ne nous a pas donné le mode d'emploi de cette application : en conséquence, nous n'avons pas transmis d'instructions aux caisses régionales sur ce point.