Intervention de Omar Samaoli

Réunion du 14 février 2013 à 14h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Omar Samaoli, gérontologue :

Je suis très heureux de votre initiative, qui met en lumière des réalités humaines trop longtemps négligées – réalités au contact desquelles je suis resté si longuement que j'ai appris à marcher au rythme des gens. Lorsqu'on a accompagné, aidé, épaulé, consolé, lavé, enterré, pleuré des personnes, alors on n'est plus dans le cadre d'une recherche académique ; on touche à ce qu'il y a de plus profond dans la relation humaine. Si mon propos est souvent passionné, c'est parce qu'il est nourri d'une exigence morale et d'un sens aigu de la justice, ou tout au moins du sentiment d'abandon que l'on éprouve toujours à l'égard de nos aînés de l'immigration.

Je me consacre depuis longtemps à cette thématique. Dès 1990, j'ai organisé un colloque intitulé « Mort et accompagnement dans la vieillesse. Éthique, identité et diversité culturelle en France ».

Les personnes dont nous parlons, aujourd'hui âgées, sont des immigrés venus travailler en France parce qu'ils ont été sollicités. On ne dira jamais assez ce qu'ils ont apporté à notre pays. Certains sont retournés dans leur pays d'origine, d'autres se sont installés ici.

Il serait réducteur de ne percevoir de cette réalité singulière et urgente que l'image de vieux messieurs perdus dans les couloirs des foyers : les femmes sont aujourd'hui de plus en plus souvent concernées. De même, on parle surtout aujourd'hui de ressortissants des pays du Maghreb mais, si l'on n'y prend garde, les ressortissants des pays d'Afrique subsaharienne risquent de prendre bientôt le même chemin.

J'ai, dans le cadre de mes travaux, insisté sur la difficulté de l'insertion urbaine des personnes isolées. Mais je veux aussi souligner que si, aujourd'hui, nous avons peu de personnes immigrées âgées dans nos institutions gériatriques, nous le devons d'abord à la présence des familles. L'effectif global de ceux qui gravitent actuellement autour des institutions sanitaires ne dépasse pas 2 %. Parmi les populations immigrées âgées de l'Hexagone, la part des personnes isolées ne dépasse pas 10 %.

Par ailleurs, toute une population féminine arrive aujourd'hui à l'âge de la retraite et à un âge avancé : jusqu'ici, ces femmes n'ont rien négocié, rien demandé. Elles sont souvent arrivées en France non comme travailleuses, mais dans le cadre du regroupement familial : elles ont souvent de très petites carrières, quand elles en ont une, et se trouvent donc fréquemment dans une grande précarité financière.

Les enjeux gérontologiques nouveaux que sont la perte d'autonomie et les troubles neurodégénératifs sont souvent passés sous silence lorsque l'on parle des immigrés âgés. Ils sont pourtant brûlants : la dernière enquête de l'INSEE sur le risque d'une survenue de la dépendance à partir de soixante ans a montré que la perte d'autonomie se produisait en moyenne à quatre-vingt-deux ans pour la population non immigrée, à soixante-dix-neuf ans pour la population étrangère en général, et à soixante-quinze ans pour la population d'origine maghrébine.

L'absence d'intérêt des pouvoirs publics pour les troubles neurodégénératifs de ce public particulier est flagrante : les seuls instruments de prévention sont en français, et ne sont pas adaptés. Alors qu'une projection statistique montre que 14 000 étrangers seraient potentiellement touchés par des troubles neurodégénératifs, le plan Alzheimer de 2008-2012 n'a pas prévu d'action particulière à leur égard.

Il faudra enfin se pencher sur la question de la fin de vie et des lieux de sépulture.

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