Intervention de Henri Proglio

Réunion du 29 mai 2013 à 17h30
Commission des affaires économiques

Henri Proglio, président-directeur général d'EDF :

Dans la mesure où nous employons 2 000 chercheurs et où nous consacrons des budgets considérables à la recherche, nos axes sont forcément diversifiés. Nous travaillons par exemple au nucléaire de quatrième génération, à l'informatique des réseaux interactifs et intelligents, à l'efficacité du système électrique, au stockage… J'avoue n'avoir aucune idée de la validité de la technologie du volant d'inertie, monsieur Mathis, mais je pourrai vous faire parvenir une réponse rapidement.

Certaines recherches s'inscrivent dans une logique de progression continue par la rénovation et l'innovation, d'autres dans une logique de saut technologique qui transformerait complètement le système – on a vu avec le gaz de schiste, par exemple, que les conséquences de ces sauts sur les équilibres économiques et industriels peuvent être considérables.

Je vous rassure toutefois : il n'y a pas de dispersion, il y a des choix d'axes de recherche.

J'en viens au service public local de l'énergie.

Le service public national, on le sait s'est structuré tant en matière de production que de distribution et d'utilisation. Je suis convaincu qu'il y a une place pour la maille régionale, qui permettra d'aller un cran plus loin dans la gestion optimisée.

Des expérimentations sont en cours. J'ai mentionné la métropole niçoise et l'agglomération lyonnaise, avec lesquelles nous sommes liés aujourd'hui par des contrats cadres, demain par des contrats qui nous associeront en matière d'économies d'énergie ou de maîtrise des énergies réparties. À Nice, par exemple, nous essayons de mettre en valeur l'ensemble des ressources hydrauliques et des réseaux d'eau en utilisant la pente pour produire de l'énergie marginale complémentaire. Nous avons également inauguré récemment un dispositif utilisant la chaleur dégagée par une station d'épuration pour produire de l'électricité.

EDF n'est pas uniquement un producteur et son ambition n'est pas de vendre toujours plus. C'est un opérateur de services qui cherche l'optimisation du système, donc du service rendu, et là est l'axe majeur de sa performance économique et commerciale. C'est sur cette stratégie que se construira l'EDF de demain.

Au niveau de la maille régionale, il nous reste à mettre au point ces contrats avec les collectivités territoriales. En matière d'optimisation et d'économies d'énergie dans le bâtiment, par exemple, qui mieux que l'autorité locale connaît le patrimoine bâti et les besoins existants ? S'agissant du patrimoine communal, on peut aller vers des contrats d'économies d'énergie qui lient l'entreprise à l'efficacité énergétique rendue, sans autre conséquence que positive pour l'ensemble des acteurs. Dans cette logique, la technique et le savoir-faire sont l'élément structurant de l'offre.

Doit-on nous reprocher d'être trop compétents et trop présents ? Je peux le concevoir ! Doit-on nous reprocher d'être également le distributeur ? Peut-être ! Mais si nous n'étions pas distributeur, nous ne pourrions optimiser le système.

Le dogme de l'unbundling voudrait que le réseau soit totalement séparé de l'activité du producteur-commercialisateur. Dans un tel environnement, les réseaux « intelligents » ne seraient accrochés ni à la production ni au client. Ils risquent de devenir bien vite stupides, quel que soit l'investissement que l'on fera !

Je défends là mes convictions. Cela ne signifie pas que nous ne respecterons pas les réglementations. Je ne me réfugie pas derrière le fait que l'État est l'actionnaire majoritaire d'EDF pour souligner une quelconque singularité. EDF est une entreprise comme une autre, soumise à la concurrence et qui doit être créative, compétitive et innovante. Nous entendons être une force de proposition en France et à l'étranger. Il appartient ensuite à nos clients – dans le cas d'espèce, les collectivités territoriales – de décider s'ils veulent ou non nous faire confiance. J'insiste, nous nous percevons comme un opérateur de services publics.

Qu'en est-il des réseaux intelligents ?

Nos réseaux actuels, conçus pour la distribution, sont relativement inertes. Ils sont la propriété des communes qui en ont délégué la gestion aux syndicats intercommunaux de distribution. Nous investissons donc sur le patrimoine de tiers dans le cadre des cahiers des charges de concession.

À l'heure actuelle, nous avons mis au point un des premiers outils de l'intelligence répartie, le compteur dit « Linky ». Il a fait l'objet d'une expérimentation auprès de 300 000 foyers dans différentes zones du territoire. Une généralisation du dispositif représente un investissement de l'ordre de 6 milliards d'euros.

J'ai donc demandé, en premier lieu, que l'on s'assure de la technologie car je veux qu'elle soit durable : il ne s'agit pas d'investir dans le Minitel au moment où l'Internet se développe ! Comme nous allons passer d'un niveau G1 à un niveau G3, ces sujets doivent être soigneusement examinés.

J'ai demandé aussi que l'on s'assure du business plan. Je ne veux pas que ce service soit payant pour les utilisateurs, je veux qu'il soit rentable par ses vertus propres, c'est-à-dire par les économies réalisées et par les services à valeur ajoutée payants pouvant être proposé aux clients qui voudraient y avoir accès. Cette deuxième étape est pratiquement acquise.

La troisième condition est que le cadre juridique soit bien défini. EDF investissant sur le patrimoine de tiers, il est de ma responsabilité de m'assurer que cet investissement ne sera pas à fonds perdus et que, en cas d'interruption de la concession, nous en soyons indemnisés.

Ces trois conditions doivent être remplies avant que la généralisation n'intervienne, vraisemblablement par étapes car nous ne pourrons livrer 35 millions de compteurs en une seule fois.

Le sujet des électro-intensifs, essentiel pour la compétitivité du territoire, se heurte aux règles européennes de transparence et de concurrence. EDF n'a pas le droit de vendre en dessous de son prix de revient. Pour garantir la concurrence, la Commission européenne a érigé des règles contre le dumping et la France y a souscrit.

Nous bénéficions d'un atout : notre production électrique est à un prix très compétitif en Europe, même si les Allemands font subventionner par les particuliers le prix de la vente aux industriels – dispositif qui, par parenthèse, fait l'objet d'une remise en cause par l'Union européenne. Bien sûr, ce n'est jamais suffisamment bon marché ! Nombre d'industriels souhaiteraient bénéficier d'une électricité gratuite, comme c'est le cas dans certains endroits du monde, mais il est clair que nous ne serons jamais compétitifs par rapport à ces zones.

Toute notre démarche consiste à passer des accords « gagnant-gagnant » avec ces industriels afin qu'ils stabilisent leur production sur le territoire national. C'est un sujet compliqué auquel, vous pouvez en témoigner, nous nous attachons tout particulièrement. Nous arriverons peut-être à des solutions, mais ce n'est pas un problème que l'on résout par des gesticulations ou même par des réglementations. Cela implique la bonne volonté de toutes les parties, en toute transparence par rapport à la réglementation.

Nous en avions déjà parlé. Je vous avais alors dit mes pensées sur l'actionnaire de l'époque. Elles se sont malheureusement confirmées. Maintenant que nous avons changé d'interlocuteur, nous pourrons peut-être arriver à une conclusion positive. Mais ce n'est pas encore fait.

S'agissant du Conseil national du débat sur la transition énergétique, Madame Massat, je crois que nous nous inscrivons plutôt dans le scénario « décarboné », sans que cela nous empêche de travailler sur les autres scénarios. Sans doute les responsables du territoire au niveau national et local devront-ils se projeter dans cet univers en choisissant un scénario plutôt qu'un autre. Pour notre part, nous sommes obligés de répondre à l'ensemble des demandes en fonction des interlocuteurs et des territoires, sachant que le groupe n'est pas que français.

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