En tant qu'élu lyonnais, je mesure toute la difficulté du sujet que vous abordez ; de plus, Lyon fait partie du réseau francophone des « Villes amies des aînés », qui veut favoriser les échanges de bonnes pratiques entre les villes de France. Je remercie donc doublement la mission d'information de son travail fort utile.
Lyon compte un peu plus de 100 000 habitants âgés de plus de cinquante-cinq ans ; parmi eux, il y a plus de 7 000 Maghrébins, dont 60 % d'Algériens, et 60 % d'hommes, et 700 personnes venues d'autres pays d'Afrique.
La ville de Lyon et la communauté urbaine ont choisi de mener une politique volontariste en matière de logement. Les foyers de travailleurs migrants sont peu à peu rénovés et transformés en résidences sociales. La ville de Lyon accueille certaines réalisations sur son territoire et participe à ces investissements, lorsqu'elle est sollicitée, à hauteur de 1 000 euros par place ; entre 2001 et 2012, elle a investi plus de 660 000 euros pour 852 logements. Le Grand Lyon dispose par ailleurs d'un partenariat avec l'État : grâce à la délégation des aides à la pierre, il a participé à la rénovation à hauteur de 5 000 euros par place depuis 2007, contre 3 500 euros auparavant.
Le problème, c'est que les chambres de ces foyers étaient minuscules – il faut imaginer des pièces de quatre mètres carrés. La rénovation et la mise aux normes conduisent donc à diminuer le nombre de places offertes. L'objectif fixé en 1997 de maintenir le nombre global de places n'a pas été atteint : il reste 1 800 places à construire dans l'agglomération, dont 134 à Lyon. Je dois souligner que Lyon a construit 85 % des places nécessaires pour atteindre le but fixé, quand le reste de l'agglomération n'en a construit que 10 %.
Une partie des résidents qui ne trouvent plus de place dans les nouvelles résidences est donc contrainte de se loger chez des « marchands de sommeil », dans des chambres meublées, souvent bien chères, très petites et bien sales… Ma première suggestion serait de conditionner les subventions de la ville de Lyon ou du Grand Lyon à un véritable accompagnement des vieux résidents et à la mise en place d'une offre de logement adaptée.
Le deuxième axe de notre politique est le soutien aux associations. Je prendrai l'exemple de l'une d'entre elles, le « Patio des Aînés », qui fait partie du réseau national des cafés sociaux et accueille une population essentiellement masculine, dont une partie seulement réside en foyer. Son but est de permettre un meilleur accès aux droits et aux soins, tout en luttant contre l'isolement. Cette association a aussi ouvert une sorte d'épicerie sociale et solidaire. Elle fournit un très important travail en réseau, notamment pour ce qui relève du domaine médico-social. Agissant dans le quartier de La Guillotière, elle fait preuve de beaucoup de finesse, d'intelligence et de débrouillardise, et au total d'un impressionnant dynamisme.
Ces associations jouent un rôle très important de passerelle entre les travailleurs sociaux et les migrants, notamment pour permettre à chacun de faire valoir ses droits : le problème, en effet, c'est très fréquemment l'absence de recours aux droits. Cela passe par des choses simples : aider à prendre un rendez-vous ou à remplir un dossier administratif, aider à comprendre une ordonnance…
L'accès aux soins est un enjeu majeur, car ces migrants ont souvent exercé des métiers difficiles et leur corps est fatigué de façon précoce : un important travail d'information et de prévention est fourni.
La ville de Lyon soutient d'autres actions associatives. Ainsi, les associations d'aide alimentaire ne s'adressent pas spécifiquement aux immigrés âgés, mais les accueillent – il s'agit surtout de femmes – très souvent dans leurs permanences. Nous aidons enfin des projets culturels, par exemple par la mise à disposition de locaux.
Le troisième axe de notre action concerne la prise en compte des immigrés âgés par le CCAS et les services de la ville de Lyon. Créée en 2005, la mission Égalité regroupe les démarches transversales au sein des services de la ville, afin de garantir à tous le même traitement. Elle accompagne la mise en oeuvre du volet « Lutte contre les discriminations » du contrat urbain de cohésion sociale. La ville de Lyon a obtenu le label « Diversité », et créé un programme spécifique intitulé « Égalycité ».
Les services du CCAS disposent d'une antenne – mais non d'un lieu spécifique – dans chacun des neuf arrondissements. Les immigrés accueillis, principalement des hommes et un petit nombre de femmes seules, sollicitent de l'aide pour effectuer des démarches administratives, souvent liées à l'obtention de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), de la couverture maladie universelle (CMU), de la complémentaire santé, d'une mutuelle ou de la retraite. D'autres démarches concernent le dépôt d'un dossier de surendettement ou une demande d'aide au logement. La plupart des antennes disposent d'agents arabophones.
On trouve à Lyon deux bains douches, où les populations immigrées aiment se retrouver, notamment le vendredi, ce qui en fait des lieux de sociabilité.
Les cimetières lyonnais comprennent des « carrés musulmans », et les pompes funèbres intercommunales peuvent assurer un service public, même si les populations concernées se tournent plutôt vers les pompes funèbres communautaires.
Je conclurai mon propos en signalant trois difficultés. Il est dommage que le schéma gérontologique du département du Rhône, contrairement à celui de l'Isère, n'intègre pas la problématique du vieillissement des immigrés. La situation des veuves, très isolées, n'est pas prise en compte. Enfin, sur 700 000 sans-papiers, certains, présents depuis plus de dix ans dans notre pays, y resteront. Il faut d'ores et déjà réfléchir au problème que posera, à terme, leur prise en charge.