Intervention de Olivia Maire

Réunion du 11 avril 2013 à 9h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Olivia Maire, directrice adjointe du centre de ressources « Profession Banlieue » :

Mon propos s'appuie sur les travaux menés au sein du centre « Profession Banlieue » et dans le cadre du programme départemental d'insertion (PDI) de la Seine-Saint-Denis pour les années 2012-2014, ainsi que sur le rapport du Haut Conseil à l'intégration (HCI) de 2005. Je me réfère également aux recherches d'Abdellatif Chaouite, ethno-psychologue et rédacteur en chef de la revue Écarts d'identité, du démographe Férial Drosso, du sociologue Rémi Gallou – qui avait réalisé une enquête pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) –, de Florence Brunet, consultante chez FORS-Recherche sociale, et de Françoise Milewski, chercheure à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Selon le recensement de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de 2006, la population immigrée en Seine-Saint-Denis compte près de 400 000 personnes et représente 26,5 % de la population totale du département, alors que la moyenne en Île-de-France s'élève à 17 %. Sur les huit départements franciliens, la Seine-Saint-Denis est celui qui accueille la proportion la plus importante d'immigrés, devant Paris et le Val-de-Marne. Les préfets estiment que 70 % de la population du département est issue d'une immigration récente, et selon les chiffres de la protection maternelle et infantile (PMI), les mères de près de 60 % des enfants nés en Seine-Saint-Denis en 2004 étaient nées à l'étranger.

Les populations immigrées en Seine-Saint-Denis sont à 36 % originaires du Maghreb ; 22,3 % sont d'origine africaine subsaharienne, 18 % d'origine asiatique ; 17 % sont des ressortissants de l'Union européenne. Sur l'ensemble de cette population, 15,2 % sont âgés de plus de soixante ans ; le département accueille 18 % des immigrés franciliens âgés de soixante ans et plus, Paris en accueillant 24 %. La population immigrée de la Seine-Saint-Denis, généralement pauvre ou très pauvre, compte enfin 52 % d'hommes et 48 % de femmes.

La situation des hommes est mieux connue que celle des femmes. En effet, contrairement à la population vivant dans le logement social ou diffus, les foyers de travailleurs migrants ont fait l'objet de plusieurs études. Ces hommes sont souvent isolés, célibataires ou veufs ; ils séjournent en France depuis de nombreuses années, doivent régulièrement renouveler leur carte de résident et disposent de ressources limitées – moins de 610 euros par mois en moyenne en 2005. Ils rencontrent des problèmes d'accès aux droits et à la retraite, tant il est difficile de réunir les pièces pour percevoir l'ASPA. Son bénéfice est conditionné par le respect d'une antériorité de résidence en France (fixée à dix ans), mais comme le décret n'a pas été publié, des différences d'interprétation existent entre les départements. Le versement de l'APL peut également poser problème : laisser le logement inoccupé durant un certain temps oblige, en effet, à refaire le dossier, ce qui entraîne un décalage dans le versement de la prestation et peut fragiliser la situation financière du bénéficiaire.

Les cinquante-deux foyers de la Seine-Saint-Denis accueillent officiellement 13 000 résidents – en réalité, sans doute trois fois plus, tant la suroccupation peut être importante. Ces établissements concentrent une population immigrée particulièrement importante, dont une grande majorité de retraités et 70 % de personnes vieillissantes. Bon nombre de ces foyers sont vétustes et font l'objet de transformation en résidences sociales ; huit sont actuellement en rénovation en Seine-Saint-Denis. L'augmentation du prix du foncier et la crise du logement en Île-de-France compliquent les opérations de réhabilitation, déjà confrontées à la question de la prise en charge du vieillissement. La présence dans les foyers de résidents âgés de plus de soixante ans – dont les trois principaux gestionnaire de foyers (Adoma, ADEF et Coallia), évaluent la part à 38 %, soit 5 000 personnes – nécessite de réfléchir à la prévention des pathologies inhérentes à la vieillesse et à l'isolement social, à l'accompagnement dans les foyers et à l'accès des résidents aux droits sanitaires et sociaux. Si l'on peut avoir recours aux EHPAD, il faut trouver d'autres solutions pour permettre aux résidents de vieillir dans la dignité, d'autant que les études – notamment celles de Férial Drosso – montrent que la grande majorité des personnes âgées souhaitent vieillir chez elles.

S'agissant de l'accès aux soins, la bonne couverture sociale dont bénéficient les immigrés motive leur maintien en France. Ces personnes souffrent de pathologies particulières liées non seulement à leurs conditions de travail passées – vieillissement physiologique précoce dû aux postes de travail peu ou non qualifiés, souvent exposés aux rigueurs climatiques –, mais également aux mauvaises conditions de logement, aux carences alimentaires, aux affections respiratoires ou aux problèmes bucco-dentaires. De façon générale, l'étendue et la vitalité du réseau social et familial ont une incidence sur l'état de santé et le recours aux soins des individus : plus ce réseau est actif, mieux les personnes se soignent. En revanche, les individus isolés – tels que les immigrés âgés – ne se dirigent pas spontanément vers les soins.

La situation des femmes immigrées est plus grave encore. Selon les chiffres de l'INSEE datant de 2004, 25 % d'entre elles vieillissent seules, veuves ou divorcées, mais puisqu'elles sont venues en France dans le cadre du regroupement familial, elles sont a priori moins isolées. Leur confinement dans la sphère familiale a pour conséquence un niveau moins important d'alphabétisation, et la situation n'a fait qu'empirer depuis que l'ouverture de la formation linguistique aux marchés publics, en 2003, a fait disparaître les associations de proximité qui assuraient des cours et tissaient le lien social. Venues en France pour élever leurs enfants, ces femmes ont moins travaillé que les hommes et ont souvent occupé des emplois à temps partiel ; elles ne bénéficient par conséquent que de faibles pensions de retraite.

Nous estimons essentiel de soutenir les associations de proximité de la Seine-Saint-Denis. Il est également indispensable de réfléchir au problème de l'adaptation du logement.

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