Intervention de François Morlat

Réunion du 29 mai 2013 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François Morlat, directeur général du Crédit immobilier de France :

J'ai rejoint le groupe CIF en octobre dernier, en tant que directeur général délégué auprès de M. Michel Bouvard dans un premier temps, puis directeur général.

Le moment n'est pas venu de regarder en arrière, mais il viendra, et des enquêtes seront sans doute menées sur la manière dont le dossier du CIF a été traité avant et après septembre 2012. Nous devons aujourd'hui nous réunir pour défendre au mieux le dossier à Bruxelles.

Sans le vote de la garantie de l'État, annoncée dans un premier temps par le ministre de l'Économie, le CIF aurait été placé dans une situation très difficile. Mais le défaut n'aurait peut-être pas eu lieu, car personne, et l'État le premier, n'en voulait, ne serait-ce qu'à cause du risque systémique que représente l'encours des obligations foncières du CIF, de plus de 30 milliards. Faute de garantie, une nationalisation aurait peut-être dû être envisagée, mais tout cela appartient désormais au passé.

Au début de l'année, les actionnaires ont signé un protocole avec l'État portant sur un projet de « résolution ordonnée », que Bruxelles appelle moins pudiquement liquidation ordonnée. Nous devons à ce titre rechercher une gamme de solutions consistant, d'une part, à gérer en extinction les actifs non viables – lesquels désignent non pas de mauvais actifs mais des actifs qui ne peuvent être refinancés sans la garantie de l'État –, d'autre part, à céder rapidement les actifs viables. Cette formalité était la condition pour que Bruxelles donne son feu vert à la garantie de l'État, pour une durée de six mois, c'est-à-dire jusqu'au 22 août prochain. Autrement dit, les autorités françaises ont jusqu'à cette date pour soumettre un plan précis à la Commission.

Pour l'instant, nous sommes dans une phase provisoire pendant laquelle le CIF continue de fonctionner, avec un coût de garantie de 10 millions par mois. Il sera revu quand la Commission se sera prononcée et, comme le Trésor, nous plaidons pour un coût très limité.

Nous devons présenter le plan de résolution ordonnée devant les institutions représentatives du personnel du groupe, selon un processus long. Les enjeux sont considérables puisque le groupe emploie 2 400 salariés – dont la moitié directement affectée à la force de vente –, et finançait, en régime de croisière, près de 30 000 opérations par an, majoritairement consacrées à la construction de maisons individuelles neuves. L'effet de levier, pour le reste de l'économie, est évalué à deux emplois par maison. Par ailleurs, le CIF permet l'accession à la propriété d'une clientèle modeste, mais résiliente, qui réalise ainsi la seule épargne de précaution possible pour elle. Ce n'est qu'après que les partenaires sociaux auront rendu un avis que le projet sera transmis à Bruxelles.

Le CIF n'est pas une bad bank. Il a toujours été bénéficiaire, même modestement, et ce sont ses dividendes qui ont financé ses missions sociales sans qu'elles ne coûtent rien à l'État. Le ratio de solvabilité – pur tier one – est de 14 %, ce qui n'est pas le cas pour tous les établissements et le bilan est fondamentalement sain. C'est ce qui ressort du rapport que nous avons commandé en novembre au cabinet Deloitte, qui est indépendant et non complaisant, et nous avons passé les compléments de provisions qu'il demandait, sans enregistrer de perte en 2012, alors que la production de prêts est pratiquement à l'arrêt depuis octobre. Par ailleurs, le CIF ne s'est jamais livré aux emballements spéculatifs. Son bilan n'a pas gonflé démesurément et ses dirigeants n'ont jamais fait preuve de la cupidité dénoncée ici et là. C'est une crise de liquidité qui nous a obligés à faire appel à la garantie de l'État.

Il est donc paradoxal que le CIF soit traité comme une bad bank, avec plan de résolution ordonnée et traitement accéléré, lui qui est le contraire de la banque sans visage.

Est-il encore temps d'infléchir le contenu du plan, dans une optique de responsabilité sociale et économique, et dans un sens eurocompatible ? Ma conviction est qu'il reste des marges de manoeuvre, mais qu'il faut agir de façon responsable et solidaire, en se mettant tous autour de la table. Plusieurs éléments nouveaux plaident en faveur d'une amélioration de la première copie à l'aune de critères d'emploi et d'activité. Bref, tout milite, pour recourir à une expression qui vous est familière, en faveur d'une « seconde lecture ».

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