Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 3 juin 2013 à 15h00
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Aussi nous sommes-nous réjouis que l'objectif de refondation de l'école soit à l'ordre du jour. Nous avons besoin, en effet, d'une rupture forte avec une politique qui a sacrifié l'éducation de nos enfants et la formation des maîtres aux exigences du libéralisme.

Le projet de loi entérine la nécessité de revenir à une formation professionnelle avec la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, dont nous nous félicitons. Cependant, nous restons au milieu du gué avec l'absence d'un véritable pré-recrutement, tant dans ce projet de loi que dans celui sur l'enseignement supérieur et la recherche. Permettez-moi de redire ici que les emplois d'avenir professeur ne relèvent pas de la même exigence : ce sont des contrats de droit privé sans véritable salaire ni statut.

Votre projet de loi contient un volet de programmation sur cinq ans, avec 60 000 postes ouverts après une période qui en a vu supprimer 80 000. Nous restons cependant préoccupés par le fait que ces postes soient retirés à d'autres ministères comme celui de la jeunesse, des sports et de la vie associative, qui concourt pourtant à l'éducation.

Une fois ces postes répartis dans les territoires, on en voit vite les limites tant les besoins sont grands. Monsieur le ministre, vous avez annoncé 150 postes supplémentaires pour la rentrée en Seine-Saint-Denis, et je m'en réjouis, dont 16 pour l'accueil des moins de trois ans en maternelle et 60 de remplaçants – ce qui, chacun s'en rend compte, ne peut suffire, ni pour le premier degré dont vous avez fait une priorité ni pour le second degré. Ainsi, rien n'est prévu pour les 43 établissements publics de ce département dispensant des formations en « bac pro » où l'on estime que depuis la réforme de 2009, 2 000 heures d'enseignement ont été volées à leurs élèves, soit l'équivalent de 111 emplois temps plein.

Nous avons noté avec satisfaction les ajouts, au Sénat, concernant les filières professionnelles et technologiques. Mais notre inquiétude demeure avec le texte sur l'enseignement supérieur et la recherche, qui n'a pas été au bout des choses pour ce qui est de l'accueil des jeunes de ces filières dans les STS et IUT et de leur parcours dans l'enseignement supérieur. Car si nous nous félicitons des amendements adoptés au Sénat garantissant la maîtrise par l'éducation nationale du choix final des filières dans l'enseignement professionnel, reste toujours posé – vous l'aviez soulevé en première lecture, monsieur le ministre – le problème de la place des enseignements professionnel et technologique dans l'enseignement général et la revalorisation de ces filières aux yeux des élèves, des familles et de la société.

J'aborderai maintenant le problème de l'orientation. Le débat a eu lieu au Sénat à partir d'amendements déposés par le Gouvernement. Nous souhaiterions que soient données, lors de cette seconde lecture, des garanties sur le maintien de l'orientation scolaire au sein du service public national d'éducation.

Des avancées ont eu lieu au Sénat concernant la scolarisation des moins de trois ans. Malgré quelques modifications, le projet maintient la logique du socle commun de compétence. Nous restons, pour notre part, persuadés qu'il faut aller vers l'objectif affirmé d'assurer à tous les enfants une culture commune de haut niveau et nous réitérons notre souhait de voir la scolarité obligatoire élargie de trois à dix-huit ans.

M. le rapporteur nous objecte que la scolarisation à trois ans est déjà une réalité et que cela nous exonère de légiférer sur le sujet. Reste que la question de l'âge de l'obligation scolaire est bien une décision législative inscrite dans le code de l'éducation. L'obligation à trois ans est conforme à la volonté affirmée du Gouvernement de considérer l'école maternelle comme une école à part entière, même si je regrette que le document sur la rénovation de la politique familiale classe les 75 nouvelles places en école maternelle pour les moins de trois ans dans les modes d'accueil !

L'argument selon lequel cette obligation alourdirait les charges publiques à l'égard de l'enseignement privé ne peut être un préalable ou obstacle définitif à l'ouverture d'un débat qui porte sur l'obligation de la scolarisation en maternelle et donc sur l'égalité de tous les enfants devant l'éducation. Quant à l'obligation scolaire jusqu'à dix-huit ans, vous nous répondez qu'elle est satisfaite par l'article 8. Or celui-ci, même amélioré, et cela est très positif, n'ouvre qu'une possibilité.

Nous sommes satisfaits que soit entériné le fait que l'enseignement artistique relève de l'éducation nationale et non du périscolaire, mais nous sommes très inquiets des modifications apportées par le Sénat à l'article 6 bis. Les professeurs d'éducation physique et sportive et leurs syndicats nous ont alertés. Cet article est source de confusion entre l'éducation physique et sportive, d'une part, et le sport scolaire, les activités sportives péri scolaires et extra scolaires d'autre part. Au nom de la complémentarité entre différentes formes de pratiques sportives, cet article mélange l'apprentissage aux sports dans les projets éducatifs territoriaux et les contenus de l'EPS, discipline d'enseignement scolaire.

Il fait également jouer au mouvement sportif un rôle qui n'est pas le sien en plaçant la mise en oeuvre de l'EPS ou du sport scolaire dans le cadre des partenariats avec le mouvement sportif associatif. Complémentarité ne signifie pas amalgame : chacune de ces pratiques sportives ont des démarches et des objectifs singuliers. Je me félicite que la commission se montre favorable à des amendements visant à changer cet article.

Nous pensons en effet que les contenus de l'EPS, le choix des activités enseignées et les objectifs poursuivis sont et doivent rester, dans le cadre des programmes nationaux, de la responsabilité des équipes pédagogiques, en liaison avec le projet d'établissement. Ce qui, bien sûr, ne s'oppose pas à ce que s'établissent ou se prolongent des liens avec le projet éducatif territorial, notamment en termes d'utilisation des installations sportives.

Nous sommes conscients de l'importance des questions soulevées par la réforme des rythmes scolaires. Pour notre part, nous affirmons notre volonté de maintenir l'égalité républicaine quant au contenu de l'enseignement délivré et à la qualité éducative du périscolaire, avec les moyens nécessaires sur tout le territoire et pour tous les élèves.

Enfin, nous voulons reposer l'enjeu de la lutte contre la précarité. Il n'est pas acceptable que des personnels de l'éducation nationale soient embauchés avec des contrats de droit privé pour une durée limitée, sans déroulement de carrière, sans aucune reconnaissance. Il est certes difficile de remédier à ce problème d'un coup de baguette magique, mais il faut que cette loi affirme une volonté d'agir pour y mettre fin – c'est le sens d'un de nos amendements. Si nous voulons donner envie à de nombreux jeunes d'investir tous les métiers de l'éducation, il faut leur garantir formation, statut et salaire.

Pour conclure, je rappellerai ici l'image qui me venait à l'esprit lors de la première lecture : la refondation de l'école serait une maison à construire et ce projet de loi en poserait les premières pierres, laissant le chantier ouvert. La construction, au long de tous ces débats, a avancé mais, monsieur le ministre, nous avons encore du travail à accomplir à l'occasion de cette deuxième lecture pour que ce projet de loi de refondation de l'école de la République réponde pleinement aux attentes et aux besoins du pays et de ses enfants.

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