Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 3 juin 2013 à 15h00
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Elle relève d'un management public qui n'est plus adapté à notre monde contemporain, ni à la complexité que les acteurs rencontrent en permanence sur le terrain. Il faut laisser à ces derniers la capacité de prendre des initiatives.

Il est frappant de voir qu'au sujet des rythmes scolaires, vous avez voulu empiéter sur la liberté des collectivités locales et sur celle des parents. Si vous avez largement échoué sur cette question, c'est parce que vous avez voulu imposer votre vision, plutôt que de créer un cadre facilitateur ; il aurait fallu aider à faire, et non contraindre depuis votre ministère.

D'ailleurs, vos propres amis politiques vous l'ont fait savoir, et cela dénote une réelle déconnexion par rapport aux problématiques du terrain. Le réel vous résiste, et vous vous obstinez à vous demander pourquoi il résiste, alors que vous devriez vous demander si votre vision prend suffisamment en compte ce réel. En matière éducative, dire n'est pas toujours faire : votre gouvernement est en train de l'apprendre, aux dépens, hélas, de nos concitoyens et, dans ce cas précis, aux dépens de nos élèves.

La responsabilité est évidemment le pendant de la liberté. Ce n'est pas pour rien que nous avions, en son temps, intitulé « liberté et responsabilité des universités » la loi relative à l'enseignement supérieur. Il est plus que jamais nécessaire de responsabiliser tous les acteurs concernés par l'éducation : les élèves, les parents, les enseignants, les collectivités locales, et bien sûr l'État.

D'ailleurs, vous devriez davantage vous concentrer sur ce qui relève de l'instruction publique, de sorte que les familles puissent jouer leur rôle en matière d'éducation. Ce n'est pas le rôle de l'État que d'arracher les enfants à leur éducation familiale, comme vous l'avez écrit à plusieurs reprises ; son rôle est avant tout d'instruire. Et plutôt que de dire comment il faut instruire, il devrait privilégier deux axes pour mettre sous tension le système éducatif.

Il faudrait, d'une part, lui fixer des objectifs clairs et précis et se concentrer sur eux, plutôt que sur la manière de les atteindre : cela serait de nature à responsabiliser tout le monde. D'autre part, il faudrait promouvoir les expérimentations qui prennent en considération les évolutions récentes en matière de recherches psycho-cognitives. Là aussi, vous devriez faire confiance aux acteurs ; or votre projet de loi montre que vous êtes dans un schéma de défiance, plutôt que de confiance, ce qui est fort dommage.

Pour finir, votre projet néglige la question de l'évaluation. Or tous les experts s'accordent à dire que l'évaluation des élèves, des enseignants et de tous les acteurs de l'éducation nationale est essentielle pour piloter le système éducatif et le faire progresser dans la durée. « Évaluer » et « noter » ne sont pas des gros mots ; ils sont le pendant de la liberté et de la responsabilité.

Vous l'aurez compris : nous sommes, plus que jamais, opposés à une loi d'orientation et de programmation dont nous pensons qu'elle est, par les principes qui la sous-tendent, diamétralement opposée aux grands principes qui, au XXIe siècle, devraient prévaloir en matière éducative. L'esprit du temps est à la dimension qualitative ; votre texte l'ignore, hélas, et c'est la raison pour laquelle nous proposons de l'amender très sérieusement au cours des débats à venir.

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