Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 3 juin 2013 à 15h00
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Ah oui, ça n'est pas mal ! Et l'on peut se dire que l'on réalise une grande oeuvre avec ces 60 000 postes de plus, que l'on va refonder l'école ! Ce sera extraordinaire, dans cinq ans, quel travail aura été accompli !

Malheureusement, la Cour des comptes indique dans le remarquable rapport qu'elle vient de publier que le problème n'est pas celui du nombre d'enseignants, ou d'une insuffisance de moyens. La réduction du nombre d'enseignants au cours de la RGPP, comme son augmentation sur cinq ans, sont vaines à règles de gestion inchangées. Sur ce point fondamental de l'augmentation des postes, je crois que nous ne pourrons pas espérer beaucoup.

La vraie question est de savoir pourquoi, aujourd'hui, nos enseignants ont une rémunération de 35 % inférieure à un cadre de l'administration ? Pourquoi nos enseignants ont-ils une rémunération de 15 à 20 % inférieure à un enseignant de l'Union européenne ? Pourquoi, pour leurs premières affectations, nos enseignants sont mutés dans les deux tiers des cas sur des postes dits « difficiles », qui nécessiteraient une solide expérience ? Pourquoi, dans 50 % des cas, nous n'arrivons pas, dans les zones prioritaires, à pourvoir les postes vacants ? Voilà toutes les questions qui relèvent, entre autres, de la gestion des enseignants, et sur lesquels il aurait fallu véritablement s'interroger.

La deuxième pierre d'achoppement, c'est la disparition de la loi du socle de compétences et de connaissances. C'est une régression formidable, qui fait la démonstration d'une refondation sans socle. Ce socle figurait dans la loi, il en a disparu et sera fixé par décret, sans que le législateur ait son mot à dire. Une refondation sans socle, il fallait y penser… Alors que nous devrions précisément nous trouver là au coeur du dispositif, dont on nous dit qu'il est fondé sur la pédagogie, nous n'y trouvons plus rien. Le coeur de la réforme est vide !

La troisième pierre d'achoppement est liée à la formation des enseignants. Il fallait faire quelque chose, monsieur le ministre, tout le monde en convient. Nous pouvons être honnêtes et le dire. Les écoles créées sont les bienvenues. Mais peut-on être sûr que ces écoles ne connaîtront pas le même destin que les IUFM ? Au vu des éléments qui nous ont été donnés, nullement. Une vraie refondation de l'école aurait dû passer par une réflexion sur les missions des maîtres dans un monde qui, on l'avouera, a tout de même changé depuis 1950, date du dernier décret qui fixe ce statut. De cela, dans ce texte, il n'est pas question. Pas plus que de la question des directeurs d'écoles, qui aurait mérité un petit peu de considération.

Quatrième pierre d'achoppement, celle du statut et de l'autonomie des établissements. Celle-ci permettrait de donner une vraie réalité, et surtout une véritable efficacité, aux projets d'établissement – qu'il s'agisse des programmes ou du statut des enseignants –, le tout dans un cadre national. Ce sujet cardinal n'a pas été abordé par le projet de loi.

Cinquième et dernière pierre d'achoppement : ce texte, bien qu'affichant des intentions contraires, porte en lui l'émergence d'une école à deux vitesses en fonction des moyens dont disposeront ou non les communes ou groupements de communes.

Je conclurai par une interrogation : comment une position aussi ferme peut-elle se traduire, dans un texte affiché comme si fondamental, par autant d'incertitudes et de malentendus ? Je ne parle même pas d'oppositions. Je vous le dis très sincèrement, car nous avons, nous aussi, l'école chevillée au corps, de ce territoire métropolitain jusqu'aux territoires français les plus éloignés, notamment la Nouvelle-Calédonie, où aujourd'hui encore, seulement 50 % d'une classe d'âge obtiennent le baccalauréat.

Avez-vous été maladroit ? Avez-vous été trop péremptoire ? Vous avez encore, monsieur le ministre, quelques jours pour apporter des réponses sur les cinq points que je viens d'énumérer. Faites la démonstration de ce savoir qu'on apprend sur les rangs de l'école : la capacité à écouter et à entendre, pour se transformer, pour s'émanciper des limites étroites d'une majorité de gauche que vous avez célébrée pour les rivages d'un rassemblement plus grand, celui des républicains qui ont l'école chevillée au corps.

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