Intervention de Gilles Bourdouleix

Séance en hémicycle du 4 juin 2013 à 15h00
Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Bourdouleix :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au cours de nos discussions, nous avons pu mesurer l'ampleur et la complexité d'un débat, déjà ancien, qui concerne la nature des relations entre le ministère de la justice et les magistrats du parquet, plus globalement entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

La question s'articule autour d'un principe fondamental dans une démocratie qui se veut respectueuse de la séparation des pouvoirs : celui de l'indépendance de la justice. Un constat s'impose aujourd'hui : l'intervention du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires individuelles est de plus en plus contestée car les soupçons d'une éventuelle motivation politique des instructions pèsent légitimement sur une telle intervention. Tout l'enjeu réside dans la nécessaire conciliation de deux principes : une organisation hiérarchique propre à notre système judiciaire et la nécessité du respect de l'indépendance. C'est en effet de la subordination statutaire des magistrats du parquet au garde des sceaux que découlent les soupçons qui peuvent affecter l'indépendance de la justice.

L'éventuelle prohibition des instructions individuelles est donc au coeur du débat sur les relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il s'agit de garantir l'impartialité des décisions du parquet et de mettre fin aux doutes pouvant s'insinuer dans le déroulement des procédures judiciaires. Nous pouvons difficilement nous opposer à une telle mesure qui relève d'une intention louable et qui de plus revêt une portée symbolique forte. Nous regrettons néanmoins que le texte ne prévoie pas d'exception à cette disposition dans les cas où ce sont les intérêts fondamentaux de l'État qui sont en jeu. Dans certaines affaires, le garde des sceaux devrait conserver la responsabilité de la cohérence de l'action publique et être en mesure de donner des instructions individuelles aux procureurs généraux.

Nous ferons plus généralement la même observation que lors des débats en première lecture, que nous venons de clore, sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature : la question de l'indépendance de la justice et les problématiques qui l'entourent sont vastes, celles-ci ne sauraient s'en tenir à la seule portée de ce texte. Sa portée est d'autant plus limitée que les instructions individuelles n'étaient que de l'ordre d'une dizaine chaque année et que la ministre de la justice y a mis fin de fait depuis la circulaire générale du 19 septembre 2012. Il s'agit donc de légaliser une pratique dont nous savons bien qu'elle ne suffira pas, à elle seule, à garantir pleinement l'indépendance de la justice.

Notre système judiciaire ne se résume pas aux relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il englobe toute une chaîne de compétences, qui va de l'agent qui reçoit les justiciables à l'accueil d'un tribunal jusqu'au juge, en passant par tous les personnels de la chaîne juridique. Dans une société en pleine judiciarisation, c'est le service public de la justice lui-même qui est en cause, menacé dans sa complexité. Nous ne pourrons à l'avenir nous dispenser d'une réforme d'ampleur qui nous permettra de repenser en profondeur la justice en prenant en compte l'ensemble des acteurs de notre système judiciaire

En dépit de ces réserves, le groupe UDI, dans une large majorité, votera pour ce projet de loi qui entend clarifier les rapports entre la chancellerie et les magistrats du ministère public.

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