Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, le projet de loi que nous examinons répond à une exigence fondamentale de notre démocratie : celle de l'indépendance de la justice. L'attachement du groupe écologiste à une plus large indépendance du système judiciaire et à celle de tous les magistrats, ceux du siège comme ceux du parquet, est profond. Chargés certes de mettre en oeuvre la politique pénale, les magistrats du parquet doivent dépendre uniquement d'elle et non pas du pouvoir politique. C'est là l'importance de ce projet de loi qui vise à empêcher toute ingérence de l'exécutif dans le déroulement des procédures judiciaires, notamment des procédures pénales. L'enjeu est important car nous avons tout intérêt à lever les soupçons de nos concitoyens à l'égard des liens, qui ont été parfois partisans, entre le pouvoir politique et la justice. Le lien de confiance s'est fissuré entre la justice et les citoyens au fil des chroniques judiciaires, au point que les juges sont aussi bien considérés que les hommes politiques ou les banquiers.
C'est pourquoi il importe d'inscrire clairement dans la loi la prescription des instructions individuelles du ministre de la justice aux magistrats du parquet. Nous apportons donc tout notre soutien à ce texte qui permet d'entrevoir la fin d'une pratique contestable et dommageable pour notre démocratie.
Rappelons toutefois que si les instructions individuelles sont peu fréquentes – il n'y en a eu aucune entre 1997 et 2002, et seulement une petite dizaine par an au cours des dernières années –, les instructions orales ont pu être plus courantes et porter évidemment sur des affaires délicates sur lesquelles le pouvoir entendait influer dans un sens qui lui serait favorable. Plusieurs journaux ont ainsi souligné les interventions, sous les précédentes législatures, de membres des cabinets des différents gardes des sceaux ou de la direction des affaires criminelles et des grâces pour transmettre oralement des consignes aux parquets. Mais les instructions orales, par leur nature, ne sont pas versées au dossier.
La formulation choisie dans le projet de loi, visant à n'autoriser « aucune instruction », et non pas seulement les instructions écrites, est donc une bonne solution. Nous avons par ailleurs été convaincus par le rapporteur de la nécessité du caractère impératif de cette prescription, qui comprend donc les instructions orales et écrites. Mieux encore, les réponses apportées par Mme la garde des sceaux nous assurant que, depuis un an, il n'y a au ni instruction écrite, ni instruction orale, viennent nous conforter dans l'idée que la volonté du Gouvernement est de rompre avec de telles pratiques dommageables pour notre état de droit. Cette décision nous ramène à la période 1997-2002, durant laquelle aucune instruction écrite n'a été relevée – ce qui n'a pas été le cas ensuite. C'est tout à l'honneur de la gauche !
Nous affichons également notre satisfaction de voir s'exprimer la volonté d'une plus forte publicité des instructions générales de politique pénale, comme l'a souhaité le rapporteur.
Je tiens également à remercier Mme la garde des sceaux de soutenir sans hésiter une demande de la commission des lois : que le Gouvernement informe tous les ans le Parlement de la mise en oeuvre de sa politique pénale par le biais d'une déclaration éventuellement suivie d'un débat. C'est la preuve de son engagement sans faille en faveur d'une transparence retrouvée de l'action politique et du fonctionnement de la justice. L'organisation d'un débat autour du rapport annuel de politique pénale établi par le procureur de la République, au cours des assemblées générales des magistrats du siège et du parquet des tribunaux de grande instance, procède de la même logique de transparence.
En conclusion, cette réforme est emblématique des principes directeurs qui guident la nouvelle politique qu'a décidé d'impulser notre garde des sceaux – et bien sûr le Président de la République –, et que nous soutenons totalement. Elle est fidèle à la ligne de conduite du Gouvernement qui, depuis le début, s'est efforcé d'être responsable et garant de l'indépendance de la justice, comme en témoigne la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac. En instaurant des rapports plus sains et transparents entre chancellerie et parquet, la gauche désire mettre fin aux soupçons d'une justice aux ordres dont les citoyens ont plus qu'assez d'apprendre les ressorts dans la presse – l'affaire de l'hélicoptère envoyé dans l'Himalaya pour récupérer le procureur de la République d'Évry afin de mettre au pas un procureur adjoint trop indépendant est restée fameuse. Consacrer l'indépendance de la justice était un engagement du Président de la République. Nous sommes fiers de pouvoir y contribuer aujourd'hui. C'est donc avec enthousiasme et conviction que nous voterons ce projet de loi.