Intervention de Jean Launay

Séance en hémicycle du 4 juin 2013 à 15h00
Fiscalité écologique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, cher Jean-Paul Chanteguet, mes chers collègues, c'est une étape importante de méthode que nous franchissons aujourd'hui avec cette proposition de résolution. C'est en même temps un signal politique déterminant qui confirmera que les socialistes et, plus largement, la majorité présidentielle savent aussi non seulement raisonner écologie mais encore vouloir l'utiliser comme levier d'un changement durable dans les comportements individuels et collectifs de chacun. Qui plus est, en abordant la question de la fiscalité écologique de manière courageuse, lucide et volontariste, nous franchissons un pas supplémentaire dans le dialogue confiant que nous entretenons avec les Français.

Mais qu'il me soit permis de rappeler, en premier lieu, que la France a pris des engagements – au-delà des alternances politiques – dans le contexte européen pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Je pense au « paquet climat-énergie », à échéance 2020, qui décline le principe du « trois fois vingt » : 20 % d'émission de gaz à effet en moins entre 1990 et 2020 ; amélioration de 20 % de l'efficacité énergétique ; introduction d'une proportion de 20 % – 23 % pour la France – d'énergie renouvelable dans le mix énergétique.

Qu'il me soit également permis de rappeler que, par la loi-programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005, la France s'est donné des objectifs propres visant à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serres entre 1990 et 2050. Voilà le « facteur 4 » confirmé dans les engagements pris à l'issue des travaux du Grenelle.

Le temps de parole qui m'est imparti ne me permettra pas d'entrer dans le détail des secteurs économiques et de vérifier si cette orientation forte pourra être tenue, d'autant que chaque jour apporte son lot d'informations sur ce sujet, susceptibles d'infléchir ou de remettre en cause les conceptions d'hier. Convenons dès lors ensemble que le chemin réalisé avec le « facteur 4 » ressemble déjà plus à un parcours en terrain accidenté, semé d'imprévus, qu'à une trajectoire nette où une forte impulsion initiale détermine largement l'atteinte du but final. À tout le moins, confirmons la nécessité d'organiser la fonction d'observatoire du « facteur 4 » en faisant converger système de mesure, évaluation des politiques publiques, évaluation des perspectives économiques et technologiques, vulgarisation et pédagogie en direction de nos concitoyens et de nous-mêmes.

Aujourd'hui, tous secteurs confondus, et si l'on retient les scénarios raisonnablement optimistes, l'ensemble des exercices prospectifs débouche plutôt sur une réduction des gaz à effet de serre d'un « facteur 2 » ou « facteur 2,5 » plutôt que d'un « facteur 4 ».

L'atteinte du « facteur 4 », si elle s'avère indispensable à la sauvegarde de nos civilisations, nécessitera probablement des ruptures plus importantes dans les modes de vie, et c'est précisément dans les moments de crise qu'il faut engager les transformations qui s'imposent, tout en en faisant comprendre la nécessité à l'opinion.

Dans ces transformations, la valorisation du carbone est primordiale, d'autant que la transition énergétique ne se fera que si l'on inclut, dans la fixation des prix de l'énergie, la raréfaction des ressources naturelles et les dommages faits à l'environnement, dont le changement climatique.

Comme Michel Rocard l'avait prévu dans son rapport de 2009 issu de la conférence de consensus d'experts, comme le réclame la Fondation Nicolas Hulot, comme nous l'avions écrit, Michel Diefenbacher et moi-même, dans un rapport commun de la commission des finances d'octobre 2009, préalable au projet de loi de finances pour 2010, il faut mettre en place une contribution climat-énergie, une fiscalité carbone qui donne un véritable signal prix.

Instruits des raisons de l'échec du précédent gouvernement sur le sujet, et conscients du contexte économique difficile, nous devons néanmoins mettre en place cet outil central de la fiscalité écologique, et être très progressifs dans le relèvement du prix du carbone. Cette contribution devra s'appliquer de manière équivalente aux ménages et aux entreprises non soumises au système européen d'échange de quotas d'émission. Les entreprises et les ménages devront bénéficier, dans le même temps, de mécanismes de soutien à la réduction des consommations d'énergie, notamment sur la rénovation thermique, et de mesures de redistribution.

Un mot maintenant sur la fiscalité du diesel, qui a toujours fait l'objet d'un traitement de faveur dans notre pays. Il est temps d'ouvrir les yeux sur ce point, car le maintien d'un avantage fiscal pour le diesel pose des problèmes de santé et d'environnement, mais aussi pour les consommateurs eux-mêmes. En effet, le signal prix, apparemment favorable à l'achat, n'est en fait rentabilisé que par 30 % des acheteurs. L'écart de taxation entre l'essence et le diesel, aujourd'hui de 17 à 18 centimes par litre, doit être progressivement réduit pour financer la transition écologique, objet d'un débat au sein du comité éponyme.

Une augmentation d'un centime d'euro du litre de diesel générerait entre 330 et 380 millions d'euros par an : cette somme devrait financer le renouvellement du parc automobile, via un bonus renforcé aux ménages, et participer au cofinancement des investissements lourds, comme le fret ferroviaire ou le transport fluvial. J'aurais voulu, madame la présidente, dire encore un mot des redevances d'eau, mais puisque mon temps est écoulé, je conclus.

Madame la ministre, c'est avec ambition et confiance que j'aborde, pour ma part, cette proposition de résolution. Elle est pour nous une feuille de route, un discours de la méthode ; elle peut être pour vous et pour le Gouvernement une source d'inspiration, pour que le produit de la fiscalité écologique de demain finance clairement la transition vers un autre modèle de développement.

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