Monsieur le président, mesdames messieurs les députés, les migrants âgés qui sont entrés dans le champ de l'âge, voire du grand âge, sont très nombreux. Plusieurs courants politiques ont tenté d'apporter des solutions humaines aux problèmes qu'ils rencontrent. C'est en effet une question de dignité, qui préoccupe particulièrement la ministre en charge de l'âge et de l'autonomie que je suis. En effet, ce que nous ne leur apportons pas maintenant, nous ne pourrons pas le leur apporter dans dix ans. Il y a bien urgence et j'apprécie que ce sentiment soit partagé par beaucoup d'entre vous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez.
Dès le début de ma prise de fonctions, je me suis rendue dans certains de ces foyers qui accueillent ces personnes âgées immigrées : 40 000 à 50 000 sur un total de 350 à 400 000. Il y a de quoi être saisi par les conditions de vie de celles-ci, à la limite de la décence, par leur immense isolement et leur immense solitude. Bien souvent, elles passent presque tout leur temps devant un poste de télévision, dans des chambres de 7,5 mètres carrés.
Nous avons mis en place un groupe de travail réunissant les ministères concernés. Nous avons essayé d'envoyer très rapidement des messages en nous rendant sur le terrain et en agissant à l'échelon national pour faire prendre certaines mesures d'urgence : simplification de toutes les demandes ; allègement des contrôles, qu'il faut rendre plus humains, en particulier en évitant d'en faire pendant la période du ramadan ; lancement d'expérimentations et de réflexions sur la mutualisation des certificats d'existence entre les différentes caisses et la sécurité sociale ; possibilité de recevoir ces certificats par courriel ; généralisation, ou du moins diffusion d'une structure qui existe dans plusieurs caisses d'assurances retraite et de la santé au travail – CARSAT – et dont j'ai pu voir un exemple à Angers : je veux parler d'ateliers où l'on organise, notamment, des visites au domicile des immigrés âgés.
Comme cela a été rappelé, ces âgés ont des conditions de vie très pénibles.
Ils souffrent dramatiquement de l'isolement, lequel est encore aggravé par leur manque de maîtrise de la langue française. Cet isolement est pris en compte dans la démarche MONALISA, qui réunit les trente grandes associations engagées dans la solidarité. Parmi elles, l'association Ayyem Zamen a mis en place des cafés sociaux, dont le premier est dû à l'initiative de Mme Hoffman-Rispal. Ces cafés sont des éléments importants de la lutte contre l'isolement des migrants, notamment des migrants âgés.
Leur vie de travail les a prématurément vieillis, ce qui ne fait qu'empirer leur situation au moment de la retraite. L'ASPA n'étant pas exportable, nous nous heurtons à une difficulté fondamentale, qui a mené jusqu'à présent plusieurs groupes de travail à l'échec. Mais les décrets d'application de la « loi DALO » vont peut-être nous permettre d'en sortir. Je pense que nous nous retrouverons sur cette piste de la création d'une allocation spécifique, étant observé que la dépense qu'elle entraînera pourra être compensée par l'économie évidente des sommes engagées pour les accueillir – dans des conditions d'ailleurs insatisfaisantes. Un très gros progrès pourrait ainsi être réalisé, pour un coût qui serait en tout cas supportable au regard de l'importance de l'enjeu. J'espère qu'un tel engagement sera inclus dans le projet de loi que je prépare, comme dans le schéma gérontologique de la plupart de nos conseils généraux.
Il y a là un enjeu social, humain, mais aussi sociétal, extrêmement important. Nous devons témoigner à ces âgés la reconnaissance de la République pour leur implication pendant leur vie de travail. Mais nous devons aussi témoigner aux plus jeunes générations que le souci de mémoire de ces migrants, notamment d'origine maghrébine, est bien aussi le nôtre, et que nous savons honorer, respecter et accompagner les personnes vieillissantes.