Merci pour cette belle mission. Beaucoup de choses ont été clairement énoncées et observées. J'y ai pris moi aussi beaucoup d'intérêt.
Je pense que le vieillissement doit être étudié par le biais de l'analyse de l'interaction entre les facteurs biologiques, l'environnement socioculturel et économique des personnes âgées, leur mode de vie et leur perception sociale de la vieillesse.
Les personnes âgées immigrées sont souvent issues de pays où le vieillissement est conçu comme un processus cumulatif au cours duquel l'individu emmagasine des qualités et de l'expérience pour atteindre la sagesse. Vivre vieux s'apprécie comme un don spirituel dans une société où l'avancée en âge permet de gagner en dignité. Les études anthropologiques qui ont été faites sur un certain nombre d'ouvriers – une étude effectuée dans ma région porte d'ailleurs sur les ouvriers agricoles saisonniers marocains – ont permis de mettre en évidence la dévalorisation des hommes atteints de maladies invalidantes, en particulier le diabète et les maladies musculo-squelettiques qui les rendent inaptes au travail. Leur corps ne leur permettant plus de travailler, ils n'existent plus. Ils se sentent coupables de ne plus pouvoir assumer leur rôle avant d'avoir atteint l'âge d'être un sage. Ils y voient la marque d'un mauvais destin.
Bien évidemment, il n'est pas question de créer une politique spécifique pour une population spécifique, ni de mettre en place un système sectoriel. Nous n'en avons pas les moyens. Néanmoins, il est peut-être nécessaire de mener une réflexion sur les politiques existantes afin que la population des immigrés âgés qui rencontre des problématiques spécifiques soit plus visible et que notre politique réussisse à les cibler.
Comment, à partir des politiques publiques de santé déjà mises en place, élaborer un processus de désignation qui ferait apparaître les besoins de cette population ?
Comment développer une coordination de l'ensemble des politiques pour améliorer l'accès à la prévention, aux soins des personnes les plus démunies et pour que ces immigrés âgés soient également ciblés ? Je pense à la coordination entre les organismes d'assurance maladie des trois régimes, les partenaires institutionnels, les préfectures, les collectivités territoriales, et notamment les départements, les acteurs de l'emploi, de l'hébergement et de l'intégration. Dans cette perspective, quel rôle les associations peuvent-elles jouer avec l'État et les institutions publiques ?
En fait, c'est le travail qui fait naître l'immigré, qui le fait être. C'est aussi le travail qui le fait mourir. À nous de trouver des formules innovantes, notamment en termes d'hébergement et de « vivre ensemble », pour ce public spécifique. Pour ma part, je ne pense pas à des conditions d'accueil très individuelles. Je crois qu'une prise en charge sociale semi-collective serait la plus adaptée pour ces personnes âgées qui ont contribué à faire l'histoire de notre pays et qu'il est nécessaire d'aider.