Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 28 mai 2013 à 16h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Monsieur le ministre, la question essentielle est de savoir si les personnes ayant participé à la reconstruction et au développement économique de notre pays ont le droit de vivre où elles le désirent et comme elles l'entendent. Cette question renvoie aux prestations pour la retraite, aux droits sociaux, mais également aux conditions de logement, d'hébergement, à l'accompagnement en fin de vie, voire à l'inhumation.

S'agissant de la retraite, il n'y a aucune légitimité à ce que les personnes ayant cotisé toute leur vie dans notre pays perçoivent une pension de retraite d'un montant différent selon qu'elles finissent leur vie en France ou dans leur pays d'origine. Les retraités français qui font le choix de vivre leur retraite au Maroc – le plus souvent pour des raisons fiscales – voient-ils leur retraite amputée ? Au nom de la dignité et de la liberté des personnes immigrées, il me semble indispensable de supprimer cette discrimination, au même titre que nous avons voté il y a plusieurs années la « décristallisation » des retraites des anciens combattants.

S'agissant des droits sociaux, la situation est complexe car, en vertu des accords particuliers conclus entre la France et les pays du Maghreb, les systèmes de santé et de couverture sociale diffèrent d'un pays à l'autre, l'Algérie ayant par exemple une vision très large de l'ayant droit, contrairement au Maroc. Il me semblerait donc logique, au nom de l'équité, d'harmoniser la situation des ayants droit.

Monsieur le ministre, nous souhaitons, et nous avons déposé des propositions de loi en ce sens, que l'accès à la nationalité française soit non seulement proposé, mais aussi facilité et accéléré. Une personne désireuse de renouveler son titre de séjour de dix ans devrait se voir proposer par l'administration française, en plus du dossier pour le titre de séjour, celui pour l'accès à la nationalité. En outre, l'administration française ne devrait pas demander aux personnes concernées de reconstituer leur propre état civil, alors même que la France, en tant qu'ancienne puissance coloniale, n'a pas tenu un état civil correct ou n'a pas su le préserver. Au nom de la dignité de ces personnes présentes sur notre sol depuis vingt ou trente ans, ne peut-on pas leur permettre de reconstruire cette identité à partir d'une date de naissance, certes fictive, mais fixée comme étant la date officielle de leur naissance ?

Il est tout à fait indécent que les personnes âgées doivent attendre pendant douze à dix-huit mois pour obtenir un rendez-vous en préfecture afin de pouvoir retirer un dossier ! Depuis que je suis député, je n'ai de cesse d'écrire au préfet de Seine-Saint-Denis pour réclamer la réduction de ce délai à deux mois. D'ailleurs, à quoi sert ce rendez-vous ? S'il s'agit simplement de retirer un dossier, une solution simple serait que l'administration l'envoie par courrier postal et que les personnes concernées le retournent de la même manière, après l'avoir éventuellement complété sur rendez-vous en cas de pièces manquantes. Cette solution conviendrait aux plus jeunes et aux mieux formés et allègerait la procédure. Pour les plus âgés et les personnes handicapées, est-il si difficile d'imaginer qu'ils pourraient tout simplement être reçus par les communes, ce qui leur éviterait d'attendre parfois de nuit, en bravant les intempéries, sachant que les maires enregistrent déjà les demandes de carte d'identité et de passeport et les délivrent ensuite pour le compte des préfectures ? C'est une question de respect de la dignité humaine.

La question des « carrés confessionnels » est complexe. Notre pays comporte deux édifices un peu particuliers, la Grande Mosquée de Paris et l'Hôpital Avicenne de Bobigny – près duquel un « carré musulman » a été délimité –, qui ont été construits par la République pour rendre hommage à la contribution des personnes originaires des colonies d'Afrique du Nord pendant la Première Guerre mondiale. Dans le cimetière musulman de Bobigny, initialement propriété de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avant d'être cédé aux communes d'Aubervilliers, Bobigny, Drancy et La Courneuve, la partie réservée aux « Morts pour la France » vient d'être réhabilitée. Le reste est cependant dans un état indigne ! Il me semble que le ministre de l'intérieur devrait accompagner les communes pour remédier à cette situation.

Enfin, un retraité présent en France depuis vingt à trente ans a-t-il vraiment besoin d'une carte de séjour portant la mention « retraité » ? S'il n'a pas choisi de devenir membre de notre communauté nationale, ne pourrait-il pas se voir délivrer une carte de résident permanent ? Il pourrait ainsi faire des allers et retours entre son pays d'origine et la France, où il a construit des liens, mais la légitimité de sa présence sur le territoire national n'aurait plus à être contrôlée.

Enfin, dans le cadre du regroupement familial, des femmes viennent en France afin d'accompagner leur conjoint en fin de vie. Arrivées tardivement sur notre sol, souvent plus jeunes que leur conjoint, elles maîtrisent mal la langue française et ne connaissent pas notre mode de vie. Monsieur le ministre, avez-vous des pistes à nous proposer sur le traitement qui doit être réservé à ces femmes après la disparition de leur conjoint ? En effet, elles se retrouvent alors très seules sur le territoire national, complètement perdues faute de solidarité familiale et parce que les services sociaux ont beaucoup de mal à les accompagner. Plutôt que de multiplier les obstacles lorsqu'elles souhaitent rejoindre la France, ne conviendrait-il pas de faciliter leur arrivée en prévoyant leur retour au pays une fois leur conjoint décédé ?

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