Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du 1er octobre 2012 à 16h00
Tarification progressive de l'énergie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je ne prends la parole que pour cinq minutes car j'ai souhaité laisser du temps aux collègues de mon groupe. Il y a en effet énormément à dire sur ce texte.

Je regrette une fois de plus l'absence de concertation et de réflexion préalables. La proposition de loi a été présentée quelques jours seulement avant la conférence environnementale, et les associations concernées par la transition énergétique ont toutes regretté qu'elle n'ait pas été mise en débat. Cette précipitation a également été ressentie ici même, puisque la commission du développement durable n'a pas été saisie. De même, aucune étude d'impact n'a été réalisée ; c'est d'autant plus dommage que les pays qui ont produit des études d'impact sérieuses dans ce domaine ont conclu que la tarification progressive n'était pas un bon système, ses inconvénients étant supérieurs à ses avantages, et qu'il fallait l'écarter.

Il y a de même la question de la compatibilité avec le droit européen. Je ne suis pas le seul à la poser, des associations comme Sauvons le Climat le font aussi, et nous n'avons pas reçu de réponse. On nous dit que cela n'a rien à voir avec la tarification progressive. Le titre de la proposition de loi a d'ailleurs été changé, la référence à la tarification progressive effacée, dans la précipitation, au cours des débats en commission – c'est assez incroyable –, pour écarter un éventuel contrôle de la Commission européenne. Celle-ci ne sera pas dupe, personne ne l'est, et André Chassaigne en a d'ailleurs très bien parlé : le mécanisme de bonus-malus a bien une conséquence sur ce que l'on paye, donc sur le tarif. Bonus et malus seront calculés sur la base de tranches. Il y a donc bel et bien un effet direct sur la tarification – et donc une remise en cause des acquis du Conseil national de la Résistance.

Si c'était pour une bonne cause, pourquoi pas ? Le problème, c'est que le texte va complètement manquer ses objectifs.

L'objectif social pour commencer : on va introduire plus d'égalité, nous dit-on. C'est faux, et nous en ferons la démonstration en présentant plusieurs amendements. En réalité, ce texte va créer de l'inéquité, de l'inégalité sociale. Ce sont ceux qui sont plus souvent chez eux, soit qu'ils n'aient pas de travail, soit qu'après une vie de travail ils bénéficient d'une retraite, soient qu'ils aient des enfants en bas âge, mais aussi les assistantes maternelles et de nombreuses autres professions, qui paieront des malus, monsieur Brottes ! Vous introduisez de l'inégalité là où le Conseil national de la Résistance avait créé de l'égalité.

N'oublions pas non plus l'inégalité territoriale, entre ceux qui habitent à la campagne, et n'ont accès qu'au fioul, et ceux qui habitent en ville, et ont accès à l'électricité et au gaz, et qui seront les seuls bénéficiaires du système. Par ailleurs, dans une même commune, selon que l'on habitera à telle ou telle altitude, ou dans un endroit plus ou moins ensoleillé, on paiera du bonus ou du malus. C'est une machine à créer de l'inégalité, de l'inéquité ; nous en apporterons la démonstration.

Mais il y a pire, avec l'objectif environnemental. Grâce à ce texte, on va lutter contre l'effet de serre, assurez-vous. Bel objectif qu'évidemment nous partageons – ne nous faites pas de faux procès ; mais votre texte ne l'atteindra pas, bien au contraire, car il agira comme une machine à déresponsabiliser : déresponsabilisation de ceux qui, dans les immeubles collectifs, pourront se comporter comme ils l'entendent puisque le malus sera supporté par tous, déresponsabilisation des locataires, qui reporteront le malus sur leur loyer, déresponsabilisation du fait de la généralisation de la trêve hivernale, qui incitera certains de nos concitoyens à reporter les factures d'électricité jusqu'au sortir de la trêve hivernale. Sans compter les effets pervers, car le bonus peut également conduire à consommer plus d'énergie, ni les effets d'aubaine : des gens ne se chaufferont plus au gaz ni à l'électricité et choisiront le fioul pour échapper à votre système.

Ni l'objectif social ni l'objectif environnemental ne seront atteints, c'est même le contraire qui se réalisera. Quant à l'objectif économique et financier, il est également impossible à atteindre, et nous le démontrerons également. D'ailleurs, vous restez à ce sujet complètement dans le brouillard.

En conclusion, ce sont une fois de plus les classes moyennes qui trinqueront. Avec vous, au début, on doit faire payer les riches et, à la fin, ce sont les classes moyennes qui payent. Mais surtout, votre proposition de loi ne répond ni à la nécessité de l'urgence ni à celle de la précarité énergétique. Il y avait d'autres leviers pour améliorer le tarif social, qu'il faudrait étendre à d'autres Français et peut-être relever, d'autres mesures pour lutter contre la précarité énergétique des logements. Ce texte passe complètement à côté de ses objectifs ; pire, il développera des effets pervers, que nous regrettons et dénonçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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