Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 1er octobre 2012 à 16h00
Tarification progressive de l'énergie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « les défis ne se divisent pas… Ils doivent être affrontés et surmontés ensemble… La crise écologique ce n'est pas une crise de plus, elle est dans la crise globale qui se décline sur tous les terrains […] : économique, social, sanitaire ».

La déclaration du Président de la République à la Conférence Environnementale au Palais d'Iéna, exprime avec force ce qui nous anime.

Cette philosophie politique doit beaucoup à Nicholas Stern. En 2006, son rapport, en faisant du climat un enjeu économique, provoque un changement de paradigme.

« La répartition des efforts entre les générations, dit-il, apparaît clairement lorsqu'on envisage des actions fortes […] au profit des générations futures. Mais la question de la répartition des actions au sein d'une même génération est tout aussi importante. Il y a en effet deux grandes inégalités […] : les pays riches sont à l'origine du problème […] mais ce sont les pays en voie de développement qui seront touchés à la fois les premiers et le plus fortement. »

Si le diagnostic est sans appel – pic pétrolier, limites du fissile –, la nouveauté réside dans les solutions alternatives présentées comme de bons investissements dont le retard serait préjudiciable à la croissance même de nos économies. Pour Nicholas Stern, l'effort auquel nous renoncerions aujourd'hui coûterait le double demain.

Aujourd'hui, les pays européens partagent une même vision de l'énergie comme bien rare et bien commun. Ils savent que, pour sortir de la crise par le haut, l'innovation dans la croissance verte et la coopération sont les clés du futur.

L'horizon, nous le connaissons, c'est celui d'une économie décarbonée. Les jalons pour y parvenir sont fixés par les accords de Doha : tenir, pour 2020, la promesse des « trois fois vingt ». Un horizon, des jalons ; reste à faire les premiers pas, dans l'esprit du Grenelle mais avec des méthodes renouvelées, pour l'efficacité de la production et du transport de l'énergie, pour la diversité du mix énergétique, avec une part croissante des énergies renouvelables, avec une sobriété sans laquelle les deux premiers leviers seraient vains.

L'économie, au sens étymologique, c'est la gestion de la maison. Le texte qui nous rassemble aujourd'hui nous indique les règles utiles à respecter pour qu'une maison soit bien gérée, c'est-à-dire économe.

Pour produire des « négawatts », cette proposition de loi abat trois atouts, elle présente trois qualités.

Premièrement, elle est juste. Chacun disposera d'un volume d'énergie à un tarif de base en fonction de sa réalité du moment. Cette prise en compte des besoins plus que des moyens est bien dans l'esprit du Conseil national de la Résistance, esprit qui fait des biens et services publics le capital de ceux qui n'en n'ont pas.

Oui, cette proposition de loi est juste et protectrice, car elle lutte contre la précarité énergétique qui touche près d'un Français sur cinq. Les personnes qui se trouvent dans cette situation deviennent bénéficiaires des tarifs sociaux de l'énergie. Dans le même souci des plus fragiles, la trêve hivernale sera étendue. La loi suggère par ailleurs un pacte vertueux entre propriétaires et locataires.

Pour apprécier ces mesures, rappelons-nous que, pour les 20 % des ménages les plus modestes, la facture de l'énergie est deux fois et demie plus importante que celle des 20 % des ménages les plus favorisés.

Deuxième qualité, cette proposition de loi mise sur l'effort. Naturellement, et dans tous les domaines, l'effort doit être d'abord celui des catégories privilégiées, mais il serait méprisant d'exclure de cette dynamique une partie des Français.

Il s'agit de ne plus envisager les catégories populaires comme des personnes en marge, qui ont besoin d'assistance, mais comme des acteurs sociaux qui doivent participer à un projet d'ensemble. Il s'agit de valoriser et d'accompagner la « capabilité », pour reprendre la notion définie par Amartya Sen, la capabilité, ici, à produire son bois de chauffage, là, à isoler ses combles, et, partout, à prendre de bonnes habitudes.

Au cours de ce débat, un certain nombre de critiques ont visé la tarification incitative pour les déchets. Or, même si c'était dans le cadre d'expérimentations marginales, celle-ci a prouvé qu'elle était performante dans de multiples géographies sociales.

Dernière qualité, cette proposition de loi invite chacun à discerner l'essentiel du superflu, voire du superficiel.

Permettez-moi de croire que cette dernière qualité n'est pas la moindre. Nous sommes invités, pour citer Gandhi, à « vivre simplement pour que d'autres, simplement, puissent vivre ».

Au-delà des économies réalisées, de l'acquis social et d'une pollution réduite, au-delà même de l'extension du champ de ce dispositif à d'autres services, comme l'eau, faisons aujourd'hui le pari que cette initiative parlementaire s'inscrit dans un mouvement de fond, dans un mouvement profond.

Nos sociétés sont fatiguées de l'austérité mais elles manifestent aussi une lassitude du gaspillage, une lassitude d'un consumérisme sans fin. Ici et là, s'exprime le désir de consommer et de produire autrement, de vivre mieux, de redonner du sens et des valeurs à nos vies.

Non, cette loi n'est pas l'alpha et l'oméga de la transition énergétique. Celle-ci s'appuiera, en 2013, sur des piliers structurants, avec notamment un programme sans équivalent de rénovation du bâti, lequel représente la moitié de l'énergie consommée sur notre territoire et un quart des émissions de gaz à effet de serre. À moyen terme, elle passe par un urbanisme et une mobilité durable.

Mais soyons convaincus, mes chers collègues, qu'il n'y aura pas de nouveau modèle de développement qui ne s'appuie dès maintenant, sur ce qu'Elena Lasida appelle un autre style de vie.

Pour nos concitoyens, soucieux de la fin du monde ou de la fin du mois, cette proposition de loi sociale et écologique est, aujourd'hui, par sa nature même, un signal positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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