Nous ne pourrons rendre les métiers de l'industrie plus attractifs qu'en en valorisant les différents matériaux sur les plans environnemental et sanitaire ainsi que dans le périmètre géographique le plus large possible sur notre territoire : que les Français aient notamment peur de l'aluminium aujourd'hui ne risque pas d'attirer les jeunes de demain vers nos filières.
Et si l'on souhaite redonner confiance aux jeunes, souvenons-nous que bien qu'ils restent attachés à leur territoire, mais qu'ils n'ont sans doute pas envie de revivre ce qu'ont vécu leurs parents et leurs grands-parents. Si les jeunes qui suivent un BTS dans une grande ville, comme par exemple à Orléans, ne bénéficient pas des aides nécessaires pour se loger et se déplacer, ils n'auront pas les moyens de faire un stage dans une usine à Saint-Jean-de-Maurienne. Il conviendrait donc sans doute de rapprocher les centres de formation de nos centres de production. Il revient au collectif gérant l'entreprise de définir les besoins en emplois avec l'Education nationale et à cette dernière de se servir des ressources de l'entreprise pour définir ces besoins sur les territoires, à proximité des lieux de production.
En matière de dialogue social, il existe des coordinations aux niveaux national, européen et mondial. Ainsi ai-je participé l'an dernier au rassemblement mondial qui s'est déroulé à Alma à la suite du lock-out de Rio Tinto. Et je me rendrai dans une quinzaine de jours en Afrique du Sud pour un nouveau rassemblement. Notez que les problèmes diffèrent d'un pays à l'autre selon le système de dialogue social en place et les lois qui le réglementent. Ainsi, dans certains pays d'Europe de l'Est, les grands groupes, parce qu'ils considèrent ce dialogue comme un frein à leur développement, font pression sur leurs salariés pour les empêcher de se rassembler ou de s'exprimer. Et en France, bien que le droit du travail encadre la pratique syndicale, les grands groupes ne comprennent pas que ce dialogue social apporte une certaine valeur ajoutée dans la mesure où nous jouissons en tant que travailleurs d'une bonne connaissance du travail à faire mais pas des enjeux financiers qui le sous-tendent. C'est pourquoi ces grands groupes ne nous associent pas suffisamment à leur action et nous ôtent les moyens de nous réunir. Ainsi les organisations syndicales ne peuvent-elles se réunir qu'une fois dans l'année dans certains grands groupes du secteur de la transformation. Chez Rio Tinto, en revanche, les sujets à traiter sont tellement transversaux que nous parvenons à nous rencontrer tous les mois.
Au niveau de la branche, dès lors que les employeurs axent exclusivement le dialogue social sur des questions de nécessités économiques – qui diffèrent d'ailleurs entre les très petites entreprises (TPE), l'artisanat et l'industrie –, celui-ci ne peut porter sur le contrat de génération ni la pénibilité. Or, les jeunes s'étant rendu compte de la manière dont leur famille a été saccagée, comment voulez-vous qu'ils reviennent travailler dans la production d'aluminium et de la chimie à moins que nous ne le reconnaissions ?
Quant à l'état de notre outil de travail, nous subissons à Dunkerque une forte pression à la baisse de nos coûts de production. Tout étant bon pour y parvenir, nous achetons donc désormais notre matière première en Chine. Or les Chinois ne payent pas de taxe carbone lorsqu'ils exportent ces matériaux jusqu'à Dunkerque. Et cette matière première est de si piètre qualité que la production est elle-même mauvaise, à tel point que nous la renvoyons en Chine pour en faire de la ferraille – mais pas de l'aluminium ! Voilà un bon exemple de compétitivité.