Intervention de Frédéric Souillot

Réunion du 29 mai 2013 à 10h30
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Frédéric Souillot, secrétaire fédéral FO Métaux :

Il est évident que l'employeur est fortement tenté de nous mettre en concurrence les uns contre les autres : ainsi, en plein milieu du conflit entre Florange et Dunkerque, la direction de Dunkerque indiquait que la fermeture du site de Florange renforcerait l'activité à l'usine de Dunkerque. Et demain, on en fera autant avec Fos, l'Espagne ou l'Algérie – un client de Dunkerque qui sera en partie nationalisé. Or, comme les Algériens feront voeu de préférence nationale pour l'acier, ils le produiront chez eux plutôt que de l'importer de Fos.

Quant à la stratégie industrielle, en l'absence de participation de l'État ou de contrôle de celui-ci sur les aides accordées aux groupes, leur financiarisation se poursuivra. Car la seule chose qui intéresse les industriels est de réaliser des profits à court terme, et rien d'autre. La Banque publique d'investissement doit également soutenir les investissements industriels de long terme et ne peut agir comme une banque normale en ne soutenant que des investissements à court terme, à horizon de trois à cinq ans : une telle durée vaut pour des petites et moyennes entreprises mais dans l'industrie, elle ne permet ni d'emprunter ni d'obtenir des soutiens.

En ce qui concerne la formation, il est vrai que nos métiers ne sont pas attractifs. Mais cela ne date pas d'aujourd'hui : il y a trente ans déjà, nous avons décidé de passer à une ère postindustrielle axée sur les services. Nous avons alors tous voulu que nos enfants deviennent banquiers – ceux-là mêmes qui nous écrivent le lendemain pour nous signaler un découvert. Nous pensons pour notre part que pour renforcer cette attractivité, il conviendrait d'imposer aux grandes entreprises le recrutement obligatoire d'un pourcentage d'emplois en alternance mais aussi de soutenir toutes les petites entreprises sous-traitantes et co-traitantes – dans la mesure où un emploi industriel génère quatre autres emplois chez les sous-traitants, parfois sur le même site. L'Education nationale doit donc essayer d'orienter les élèves dès treize ou quatorze ans vers les métiers de l'industrie, par le biais des centres de formation d'apprentis (CFA) et centres de formation d'apprentis de l'industrie (CFAI). Il est vrai que les jeunes sont souvent attachés à l'entreprise dans laquelle ont travaillé leurs parents, sauf si elle les a mis dans la misère. Originaire moi-même de Bourgogne, je travaillais en 1992 chez Thomson, à l'époque où l'on a voulu donner cette entreprise pour un franc symbolique aux Coréens. Il y reste aujourd'hui 160 emplois contre 7 000 à l'époque. Lorsque les enfants de mes collègues ont terminé l'école, ils n'ont surtout pas voulu retourner à l'industrie dans la mesure où leurs parents y avaient été licenciés, avaient dû revendre leur maison, où jamais leur mère n'a retrouvé de travail et où leur père n'y est difficilement parvenu qu'en intérim.

S'agissant de la coordination européenne, nous sommes au moins trois personnes ici à siéger au Conseil du dialogue social du Comité Acier tenu par Antonio Tajani. Nous sommes d'accord pour réintroduire un certain protectionnisme dans le secteur industriel. Nos collègues allemands d'IG Metall se font quelque peu tirer les oreilles mais y vont bon an mal an. Mais le Commissaire européen au commerce s'y oppose. La dernière fois que nous avons rencontré Antonio Tajani, il fut plutôt question avec le plan Acier de soutenir l'aval – par exemple l'automobile – pour faire survivre l'amont : or, plusieurs d'entre nous ne sont pas d'accord avec ce point de vue. La mesure adéquate consisterait à fixer à 20 ou 25 % la part de l'industrie dans le PIB européen. Nous sommes donc tous à peu près d'accord sur l'idée du protectionnisme, à l'exception des Allemands.

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