Intervention de Christèle Touzelet

Réunion du 29 mai 2013 à 10h30
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Christèle Touzelet, déléguée centrale CFDT, Industeel France :

Nous avons été conviés à cette audition afin de faire état de la situation économique, industrielle et sociale d'Industeel France, société tout à fait représentative des inquiétudes liées à l'emploi et à la pérennité des sites. Faisant partie du groupe ArcelorMittal, nous sommes rattachés à sa branche « Flat carbone » : Industeel est spécialisée dans la production d'aciers spéciaux dans une gamme de produits plats de 16 à 100 tonnes et de produits lingots de 5 à 250 tonnes l'unité. Industeel ne fabrique pas de gros volumes en tonnage mais des produits haut de gamme, complexes et à forte valeur ajoutée – une activité qui nous a placés au rang de leader mondial jusqu'en 2009. Industeel regroupe les sites du Creusot, de Châteauneuf et de Saint-Chamond. La spécificité du site du Creusot réside dans le fait que nous y travaillons en partenariat avec Areva qui a investi dans notre aciérie pour la fourniture de gros lingots de 250 tonnes nécessaires à la fabrication d'EPR. Quant à nos effectifs, Industeel France compte, à ce jour, 1 175 salariés dont 820 au Creusot et 300 à 350 sur la Loire.

En 2007-2008, Industeel France a réalisé de très bons résultats car elle n'a subi que très peu de concurrence. En 2009, face à la crise, les producteurs de volume sont entrés sur nos marchés de niche qu'ils avaient négligés pendant les années de croissance. Au cours de cette période de crise, nos concurrents ont privilégié l'investissement pour se placer sur nos marchés alors qu'Industeel France a seulement investi dans l'augmentation de volume à Châteauneuf en 2010. Notre centre de recherche traite principalement des problèmes de qualité et de process de fabrication, au détriment de la recherche et du développement de produits nouveaux.

Contrairement à nos concurrents, entre 2009 et 2012, Industeel France fut la seule entreprise à verser à son actionnaire Mittal des dividendes supérieurs à ses investissements, malgré la baisse d'activité enregistrée. À cette même période, le site du Creusot a subi un plan de départ volontaire décliné par ArcelorMittal ayant entraîné le départ de 115 salariés et ce, sans transfert des compétences. À ce jour, ce plan demeure l'un des points négatifs reconnus par nos dirigeants.

Entre 2011 et 2012, l'activité d'Industeel France semblait fébrilement reprendre. Mais en septembre 2012, l'annonce subite du manque de compétitivité des aciéries, qui a conduit à la réalisation d'une étude de réduction de nos coûts et, parallèlement, la baisse brutale d'activité ont fait craindre un éventuel transfert de production et la fermeture de l'une de ces aciéries. En janvier 2013, après la remise du rapport du cabinet d'experts missionné sur le sujet, la direction générale de l'entreprise a fait marche arrière et annoncé qu'aucune étude n'avait été faite dans la mesure où, compte tenu de la charge additionnelle pour Le Creusot et Châteauneuf, l'aciérie du Creusot ne pouvait absorber la production de Châteauneuf. Il a en revanche été clairement annoncé que si Châteauneuf descendait en dessous de 40 000 tonnes annuelles d'acier liquide, la question de la fermeture pourrait à nouveau se poser.

Depuis ces annonces, Industeel au Creusot et à Châteauneuf ne cessent de voir baisser leur activité. Or, malgré une concurrence de plus en plus agressive, la politique de notre direction consiste à conserver les mêmes marges, quitte à continuer de perdre des parts de marché. Il s'ensuit depuis septembre 2012 une baisse d'activité nous ayant conduit à subir une voire deux semaines de chômage par mois dans certains secteurs, ce qui revient en fait à maintenir son niveau de profit en recourant aux aides publiques.

Industeel n'a-t-il pas pu, su ou voulu préserver ses parts de marché ? Cette baisse d'activité n'est-elle pas maintenue afin de justifier la fermeture de l'aciérie de Châteauneuf ? L'investissement dans l'augmentation de capacité de Châteauneuf n'a-t-il été qu'une erreur de stratégie ? À ces questions s'ajoute celle des diminutions d'effectifs : les premiers à avoir été concernés par cette forte baisse d'activité ont été les titulaires d'emplois précaires ainsi que les sous-traitants locaux. Et nous ne disposons aujourd'hui d'aucune garantie quant à l'anticipation des départs à la retraite sur cinq ans alors que ceux-ci représentent 23 % de l'effectif global de l'entreprise. Nous sommes très inquiets qu'aucun moyen n'ait été déployé pour assurer la capitalisation et la transmission du savoir-faire.

Malgré la volonté, dans chaque établissement, d'assurer une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les autorisations d'embauche se raréfient et la tendance annoncée est à la diminution des effectifs de structure. Il est en effet prévu une réduction de 4 % par an des effectifs pour compenser l'inflation et ce, quel que soit le volume de production. Cela est-il tenable compte tenu des pertes de compétences ? Il s'agit là d'une véritable mise en danger de l'entreprise car si l'activité reprenait, nous pourrions nous retrouver dans la situation d'avoir du travail mais sans les compétences nécessaires pour l'effectuer. Vous comprendrez donc que nos représentants du personnel de même que nos salariés soient très inquiets quant à la pérennité de nos emplois et de nos sites et à la politique initiée par ArcelorMittal sur l'ensemble d'entre eux.

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