Madame la présidente, vous avez affirmé que nous devions nous pencher sur la question de la compétitivité et il est vrai que cet enjeu – comme celui de l'emploi – doit mobiliser notre attention, surtout en période de crise. La Commission européenne estime cependant que nous ne pouvons faire abstraction du réchauffement climatique, qui s'aggrave, et que nous devons écouter les scientifiques sur ce sujet. En outre, l'Europe étant l'un des continents qui dépend le plus de l'extérieur pour son énergie et ses matières premières, une amélioration de l'efficacité de notre gestion des ressources énergétiques constituerait un facteur de stimulation de notre compétitivité et de nos performances économiques.
Ainsi, si nous réduisions le coût de notre facture énergétique – en 2012, les pays de l'Union européenne ont dépensé près d'1 milliard d'euros par jour pour leurs importations de pétrole –, notre situation macroéconomique en bénéficierait et nous pourrions créer des emplois pour accroître l'efficacité énergétique, tout en agissant pour le climat. Dans ce domaine, des politiques intelligentes peuvent dynamiser l'innovation et soutenir la compétitivité. Il n'y a donc aucune incompatibilité entre lutte contre le réchauffement climatique et développement économique, mais des politiques publiques sont nécessaires pour les concilier. Le Livre vert de la Commission européenne Un cadre pour les politiques en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030 présente nos objectifs pour cette période ; l'intérêt de l'Union commande d'amorcer dès à présent ce débat car les investisseurs ont besoin de perspectives de long terme pour s'engager. Cela nous permettra d'arrêter nos positions pour la CdP de 2015, en France.
Les chefs d'État et de Gouvernement ont indiqué, le 22 mai dernier, que les politiques climatiques n'abaisseront pas à elles seules le coût de l'énergie supporté par les Européens et qu'il convient également de libéraliser le marché du gaz, de démanteler les monopoles énergétiques, de limiter la réglementation des prix, de favoriser la concurrence, de développer une meilleure infrastructure énergétique – question qui relève du budget européen – et d'accroître la part des énergies renouvelables. Sur tous ces sujets, la Commission européenne préparera des propositions précises, qu'elle présentera aux dirigeants des États membres en mars prochain.
L'Europe possède une grande responsabilité pour que la CdP de 2015 soit un succès, notamment en ce qui concerner la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto, pour laquelle peu de pays s'engageront avec nous – la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Norvège et la Suisse devraient néanmoins le faire. À Durban, en 2011, nous avons poussé la Chine, l'Inde et les États-Unis à accepter d'être désormais liés avec nous, sur un pied d'égalité, par un accord juridiquement contraignant : il s'agit d'une victoire pour l'Union européenne, qui mène ce combat depuis de nombreuses années. Plus de cent pays en voie de développement nous ont aidés à insuffler une dynamique sur ce sujet car ils savaient que nous voulions ratifier la deuxième période d'engagement pour maintenir ce dispositif jusqu'à ce qu'un autre système vienne le remplacer. L'Union européenne s'est fixé des objectifs à l'horizon 2020 dans le paquet énergie-climat et elle met en place, pour les atteindre, des politiques qui pourraient être ratifiées, à condition que les États n'en profitent pas pour en définir de nouvelles.
Il faudra relever trois défis principaux en 2015. Le premier consistera à ne souscrire un accord que si toutes les grandes économies y prennent, d'une façon ou d'une autre, leur part. Le deuxième concernera les moyens de réduire l'écart entre l'engagement de plafonner l'augmentation de la température à 2 degrés et la nature des mesures mises en place pour y parvenir : comment ce processus international peut nous permettre de faire davantage ensemble que séparément ? Le troisième défi intéressera le financement : nombre de pays en voie de développement peuvent s'inscrire dans le processus aux côtés de l'Europe ; l'Union africaine, les pays les moins avancés et les États insulaires tenteront de faire progresser les pourparlers et d'y intégrer la Chine, le Brésil, l'Afrique du Sud et les autres grands émergents.
Ces derniers doivent comprendre que, s'ils s'engagent à agir, nous essaierons de les aider, notamment sur le plan financier, qui constituera un volet essentiel des discussions. Nous devons quitter le monde du XXe siècle, celui organisé entre un Nord et un Sud. En effet, avant la CdP de 2015, la Chine aura dépassé l'Union européenne en termes d'émission de GES par habitant. La Chine, comme d'autres États, doit assumer davantage de responsabilités et contribuer financièrement à ce processus. Les négociations sur le climat font partie du nouvel ordre mondial et doivent donc déboucher sur un accord qui le reflète.
Enfin, vous avez abordé la question des procédures internes à l'Union européenne jusqu'en 2015 : certains États, comme la Pologne, demanderont d'attendre la fin de la CdP de 2015 pour définir leur politique ; pour ma part, il me semble que l'Union doit anticiper ce travail afin d'être bien préparée. Le Livre vert pour 2030 et la note d'orientation sur les négociations internationales ne sont pas directement liés mais ne sont pas pour autant déconnectés car ils doivent tous deux permettre à l'Union d'afficher une position unie en 2015.