Intervention de Delphine Batho

Réunion du 5 juin 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Au sujet du rôle du coût de l'énergie dans la compétitivité, je tiens à saluer l'apport du débat, tenu sur le plan national grâce au Conseil national du débat et au groupe des entreprises notamment. Une note du Conseil d'analyse économique évoque une hausse structurelle du coût de l'énergie. La distinction est clairement établie entre le secteur industriel qui consomme 8,4 % et le reste de l'économie. Une vraie valeur ajoutée reste à dégager dans le domaine de l'efficacité énergétique. La note de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) considère que 43 % de l'énergie reste à économiser dans le secteur industriel ; demeure la question du choix des instruments du financement.

En ce qui concerne le calendrier du débat national, la restitution des débats territoriaux est attendue pour le 8 juillet. Nous avons tenu à ce que le débat national ne soit pas le seul fait des acteurs habituels (élus, entreprises, associations) mais qu'il vive dans les territoires et les régions. C'est donc sur la base du volontariat que les régions ont fait leur choix et organisé le débat dans la forme qu'elles souhaitaient. Ce sont ces différences de forme qui ont fait que tous ces échanges n'ont pu être retenus, aussi, le nombre de régions citées est bien inférieur au nombre de régions qui ont participé. La conclusion des travaux aura lieu à la mi-juillet et la remise définitive au Président de la République à l'occasion de la conférence nationale de l'environnement les 20 et 21 septembre. Le projet de loi devrait être présenté au Parlement à l'automne, du fait de l'application de la procédure propre aux lois de programmation et de l'encombrement de l'agenda par les débats budgétaires, la discussion devrait intervenir au début de l'année 2014.

En réponse à la question sur l'avenir du nucléaire, je tiens à souligner que les perspectives en terme d'impact sur les territoires et l'emploi sont positives puisque les travaux de maintenance et d'investissement créeront 12 000 emplois nets dans les trois années à venir. A cela il convient d'ajouter le renouvellement important des personnels d'EDF du fait de nombreux départs en retraite. En ce qui concerne la fermeture de la centrale de Fessenheim, le Premier ministre a reçu Francis Rol-Tanguy et le débat a été lancé avec la participation de tous les acteurs concernés pour une fermeture en 2016.

Les perspectives d'emploi dans les filières des énergies renouvelables sont de 30 000 à 35 000 créations ventilées comme suit : 9 000 pour l'éolien ; 6 500 à 7 000 pour le photovoltaïque et le solaire thermique ; 13 000 à 17 000 pour la biomasse et 2 500 pour le géothermique.

Au sujet du cadre européen, le texte présenté par le Conseil européen le 22 mai dernier ne propose pas encore de mesures concrètes. Dans les perspectives de la construction de l'Europe et de politiques européennes, le Président de la République a précisément fait des suggestions précises car nous sommes persuadés que la constitution d'une politique commune de l'énergie peut être un élément majeur de la construction de l'Europe. Nous proposons de conclure des contrats de fourniture d'énergie à long terme pour l'industrie puisque l'un des enjeux réside dans le financement des capacités de production. Par ailleurs, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre est déficiente. Du fait de l'absence de prix du carbone particulièrement, la consommation de charbon augmente en Europe puisque les États-Unis en exportent massivement à mesure qu'ils accroissent l'exploitation du gaz de schiste. Cette situation conduit la fermeture de centrales à gaz européennes. Dans le domaine du renouvelable, il est souhaitable de développer des programmes européens de R&D sur le stockage de l'énergie par exemple, que ce soit par des batteries ou l'hydrogène. Bref, il faut financer l'efficacité énergétique avec des moyens à la hauteur de la taille du marché européen ; des progrès restent à faire et bien des projets devront être menés. Les infrastructures de réseaux, par exemple, pourraient constituer une nouvelle étape de l'intégration au sein de la communauté européenne de l'énergie. Dans ce cadre, chaque pays demeure libre du choix de son mix énergétique, ce qui n'empêche pas une action commune européenne, de proximité dans un premier temps, à 27 à terme. Le domaine de la sécurité énergétique est particulièrement concerné. J'ai renoué des liens avec l'Allemagne dans ce domaine et ce pays peut nous donner des exemples sur des sujets tels la tarification du renouvelable ou l'évitement des tarifs négatifs de l'énergie ; sur le choix du mix énergétique, l'Espagne peut nous apprendre des choses.

L'évolution des tarifs de l'électricité depuis 2000 a été inférieure de 12 % à celle de l'inflation. Les tarifs de l'électricité ont baissé de 12% eu euros constants depuis 2000.

Au sujet des entreprises concernées par le coût de l'énergie, le débat national a permis une prise de conscience et il faut maintenant trouver les outils efficaces. Ainsi, pour faire face aux difficultés des ménages devant le coût de l'énergie, il nous faut trouver des solutions compatibles avec les contraintes européennes portant sur les aides des États.

Au sujet de la loi dite Brottes, je ne peux laisser dire qu'une année a été perdue. Le Conseil constitutionnel a censuré les modalités de mise en oeuvre du bonusmalus mais certainement pas son principe. Au demeurant, cette loi a permis des avancées majeures dans le domaine du tarif de l'éolien, un tarif social pour 8 millions de Français ou encore la suppression des coupure de fourniture hivernales.

Je vous remercie pour vos propos relatifs à la journée citoyenne en Alsace où les entreprises locales sont parfaitement investies. Je rappelle, au sujet des énergies renouvelables, que 4 000 mégawatts produits par des panneaux photovoltaïques équivalent à 2,3 réacteur s nucléaires. Certes, la question du prix des énergies renouvelables demeure posée mais, dans certains cas, le solaire peut se substituer au nucléaire. Nous devons prendre une longueur d'avance dans le domaine des technologies liées au renouvelable pour amener ce secteur à maturité. D'ailleurs, le coût de l'énergie solaire a baissé de 75 % en 5 ans.

Je demeure attentive au propos de M. Baupin qui souhaite une réduction par deux de notre consommation d'énergie d'ici 2050 ; il faut trouver une clé de répartition permettant une réduction du nucléaire. Les récents travaux sur le financement de la transition énergétique tracent de perspectives très favorables dès 2025, particulièrement en termes de compétitivité énergétique, allant jusqu'à envisager, de ce fait, une division par 5 du déficit de la balance commerciale d'ici 2050. Tout cela suppose un effort d'investissement dans les 10 à 15 ans qui viennent.

J'ai rencontré hier les entreprises du secteur de l'énergie active et des smartgrids et j'ai été frappée par le nombre impressionnant de ressources et solutions techniques développées en France, aussi bien par de grandes entreprises que par des PME. Il y a là un levier de croissance économique susceptible de nous placer en bonne position sur le marché mondial mais aussi de nous permettre de réduire la facture énergétique des ménages comme de l'industrie. Au sujet du choc de simplification, je reconnais qu'il y a des progrès à faire. Les chiffres ont été rendus hier sur les raccordements réalisés dans les années 2011 et 2012 et le travail est engagé au sein de la Direction générale de l'énergie et du climat.

Au sujet du nucléaire, nous savons que cette énergie va coûter plus cher, notamment du fait de l'augmentation des coûts de production, cependant, elle demeurera compétitive. L'audit de la CRE a montré qu'il y aura un écart de tarification en fonction de la durée prise en compte au regard du coût de l'amortissement, cet écart est de 6,8 % dans un cas et de 9,6 % dans l'autre. Il n'est pas juste de dire que rien n'a été provisionné pour le financement du démantèlement des centrales puisque EDF a déjà dégagé 19 milliards d'euros à cet effet. L'ASN se prononcera en 2015 sur la prolongation de la vie des centrales nucléaires. Cette décision sera basée sur la situation de sûreté des établissements eux-mêmes, sur des critères de génération 3. Un danger demeure le défaut générique et, si l'ASN venait à prononcer la fermeture simultanée de 5 sites, il faudrait bien compenser cette baisse de production ; C'est aussi pour cela que le gouvernement travaille à diversifier le mix énergétique.

J'ai déjà répondu aux questions d'André Chassaigne s'agissant du bonus-malus et de la « loi Brottes ». La question des installations collectives pose effectivement un vrai problème d'ordre constitutionnel, qui n'est pas simple à surmonter. Nous travaillons actuellement sur d'autres pistes, notamment un travail de réforme en structures pour ce qui concerne l'électricité, mais il m'apparaît prématuré d'exposer des conclusions dès aujourd'hui.

Je souhaite souligner, au sujet des plans de rénovation thermique, qu'une enveloppe de 500 millions d'euros est disponible pour les travaux d'efficacité énergétique, nous ne manquons donc pas de moyens budgétaires. Le problème en l'état est plutôt celui du déploiement effectif du service public de la performance énergétique. Un travail très intensif de mise en cohérence est actuellement mené par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et les Agences départementales d'information sur le logement (ADIL), en partenariat avec les collectivités territoriales, notamment en vue d'informer les gens des aides auxquelles ils ont droit. Les aides nouvelles de 1 350 euros ou de 4 000 euros s'ajoutent aux aides qui étaient d'ores et déjà disponibles. Le plafond de ressources pour profiter du programme « Habiter mieux » de l'ANAH a en outre été augmenté, de sorte que pour des bouquets de travaux raisonnables, permettant de gagner 2 ou 3 classes d'efficacité énergétique, quand on met bout à bout les différentes aides, le « reste à charge » est particulièrement réduit et doit permettre d'inciter au déclenchement desdits travaux. Nous nous sommes engagés à pérenniser ces financements. Des travaux sont également en cours sur l'avenir des certificats d'économie d'énergie, qui constituent un levier financier important, et sur la question du tiers financeur. Je n'oublie pas non plus l'enjeu de l'efficacité énergétique pour les bâtiments publics.

Sur les concessions hydrauliques, nous attendons les conclusions du rapport en cours d'élaboration au sein de votre Commission. Le rôle de l'hydraulique dans la production actuelle et dans la transition énergétique à venir est évident. Des marges de performance existent et doivent être exploitées. Les capacités de stockage, de souplesse et d'adaptation pour la sécurité d'approvisionnement font de cette énergie un complément indispensable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion