Intervention de Jean-Claude Ameisen

Réunion du 21 mai 2013 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Claude Ameisen, président du CCNE :

L'AMP ne confère pas de droit à l'enfant. Le cadre actuel de l'AMP répond à un désir d'enfant qui ne peut être satisfait. Dès lors que le législateur a demandé que l'homme et la femme apportent la preuve qu'ils vivent déjà ensemble, il est évident que l'intérêt est dirigé non pas sur le couple, mais sur le futur enfant, dont l'intérêt est ainsi pris indirectement en compte.

Les questions à propos de l'impact des techniques sur l'intérêt de l'enfant en cas d'autoconservation ou d'ICSI se posent autant dans les indications médicales actuelles de l'AMP que dans le cadre d'une future loi sur la famille. C'est l'occasion de les revisiter. Lorsqu'il y a deux ans et demi, le Comité a émis un avis sur la recherche concernant les cellules d'origine embryonnaire humaine et l'embryon, il lui était apparu qu'une question importante – qui était une exception à la création d'embryons à visée de recherche – toucherait aux recherches indispensables sur les embryons, lorsqu'on modifie des techniques d'AMP de telle manière que la vie de l'enfant à naître ne soit pas mise en danger. Le fait de ne pas pouvoir effectuer certaines recherches est une façon de ne pas vérifier l'innocuité des techniques mises au point sur l'enfant qui est né. Ces questions se posent en amont de l'AMP et dans le cadre même de l'AMP. Ainsi l'ICSI a été mise au point et pratiquée sans recherche préalable avant que des enfants ne soient nés, ce qui pose problème.

Si on imagine des indications d'AMP pour femmes seules ou pour les couples de femmes, il s'agirait d'indications techniques très anciennes et très simples, à savoir l'insémination artificielle avec donneur, et non nécessairement la fécondation in vitro. Certains estiment, à tort, que la simplicité de ces techniques ne nécessite pas forcément l'intervention de la médecine, alors que celle-ci reste indispensable pour des raisons de sécurité et de régulation

Faut-il distinguer l'AMP en fonction des techniques utilisées ? Ne serait-ce pas plus pertinent de procéder en fonction des problèmes traités. Le maintien de la notion générale d'AMP paraît appropriée, parce qu'elle recouvre, comme beaucoup de termes médicaux, un champ d'application. Donner des noms différents et traiter ces questions dans des chapitres différents, n'apparaît pas opportun parce que les indications de l'AMP ont une base commune, celle de permettre une procréation. Le diagnostic préimplantatoire est traité à part, parce que la visée et non la technique est différente. Il ne s'agit pas d'une AMP remédiant à une infertilité médicale, mais d'une AMP visant à prévenir la transmission d'une maladie particulièrement grave et incurable. L'indication différente nécessite le recours à une autre notion

À l'initiative de la Commission d'éthique du Québec, de grandes discussions publiques sur la fin de vie se sont déroulées. À la suite de quoi les indications sociétales de l'AMP ont été introduites dans la loi québécoise sans grand émoi public. Or il est apparu rétrospectivement qu'aujourd'hui, au Québec, les indications sociétales représentent l'immense majorité des indications de l'AMP qui n'est donc pas l'extension d'une indication médicale à une indication sociétale, l'infertilité étant rare chez les couples hétérosexuels, alors que pour les couples homosexuels, l'AMP représente le seul recours.

La chirurgie reconstructive devenue la chirurgie esthétique a connu la même évolution, aujourd'hui, la majorité des actes de chirurgie reconstructive relève de la chirurgie esthétique pour convenance personnelle. Lorsqu'on ouvre des indications, on assiste à des changements assez profonds dans la manière dont est ressentie et appliquée une technique médicale.

Le recours par des femmes seules ou par des couples de femmes à l'AMP exigerait que l'on réfléchisse de nouveau à l'anonymat des dons de gamètes.

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