Intervention de Jean-Claude Ameisen

Réunion du 21 mai 2013 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Claude Ameisen, président du CCNE :

Le CCNE n'étant pas dans une phase de réponse, je prends en considération vos interrogations comme des points de réflexion intéressants. Les réponses seront apportées par l'avis du Comité et par l'organisation des états généraux.

Le panel de citoyens de Marseille en 2009, lors des états généraux organisés avant la révision de la loi relative à la bioéthique de 2011, s'est prononcé en faveur d'une recherche sur les cellules souches embryonnaires et les embryons, suivant en cela les six avis émis par le CCNE depuis 1984. Depuis son premier avis, celui-ci a recommandé une recherche encadrée sur les cellules souches et les embryons, non pour des raisons qui tiennent à leur utilité éventuelle, toute recherche étant potentiellement utile, mais parce que le Comité estimait que ces recherches ne soulevaient pas de problème éthique à partir du moment où l'embryon serait de toute façon détruit pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec ces recherches. Ces questions débattues en 2009 ne méritent pas d'être redébattues.

En revanche, les problèmes posés par les recherches effectuées sur l'embryon ou les cellules souches embryonnaires, dans le but de s'assurer que les nouvelles approches d'AMP et de fécondation in vitro n'auront pas d'éventuelles répercussions sur l'enfant à naître, sont à analyser. Le respect porté à un embryon qui n'est pas détruit à des fins de recherche est contrebalancé par le respect de l'enfant à naître, en vue d'éviter que l'absence de recherches ne lui nuise. C'est une question d'éthique médicale : jusqu'où est-il licite d'effectuer une recherche sur les embryons avant de les implanter, voire de ne pas les implanter si l'on constate des problèmes ? Ces thèmes sont directement liés à l'AMP. À cet égard, le Comité a toujours été défavorable à la création d'embryons à seule visée de recherche, à la différence de ce qui se passe au Royaume-Uni. Inversement, il s'est déclaré très inquiet que des recherches préalables n'aient pas été effectuées lorsqu'on change de technique avant de transférer un embryon. Ces problématiques méritent sans doute d'être revisitées.

Quant au diagnostic préimplantatoire, un couple peut en bénéficier en cas de maladie génétique, familiale, incurable, d'une particulière gravité et cela exige de recourir à une AMP. Ce serait le cas dans un couple de femmes dans lequel la femme qui sera la mère a, dans sa famille, un parent atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité.

S'agissant de la gestation pour autrui (GPA), le panel de citoyens de 2009 s'était prononcé contre, le Comité consultatif a également émis un avis négatif. Cela mérite d'être revisité, car la GPA fait partie des indications sociétales de l'AMP. Les citoyens du panel avaient pris en compte la question de l'égalité car une femme qui n'a pas d'utérus ne peut recourir à l'AMP, alors qu'une femme qui a un utérus le peut. C'est une inégalité, mais elle n'a pas entraîné l'autorisation de la GPA. Je ne vois pas pourquoi on traiterait différemment, en termes d'égalité d'accès à l'AMP, les indications sociétales de l'AMP et les indications actuelles qui sont d'ordre médical. Il ne s'agit pas là d'un problème d'égalité, mais de savoir au détriment de qui cette égalité serait obtenue. La raison pour laquelle les femmes sans utérus ne peuvent recourir à la GPA n'est pas une question d'égal accès. On considère que le recours à la GPA représente une instrumentalisation d'une femme au profit de la demande légitime d'une autre. On peut modifier la loi pour les femmes qui n'ont pas d'utérus, mais la modifier pour des couples d'hommes sans la modifier pour des femmes qui n'ont pas d'utérus me paraîtrait étrange. Cette thématique mérite d'être abordée de manière globale.

Concernant le champ de l'assistance « médicale » à la procréation, on peut faire une analogie avec la chirurgie esthétique : elle est la contribution de la médecine à une demande qui n'est pas motivée par des raisons classiquement médicales. Le terme « médical » peut être conservé, mais il faut réfléchir au champ d'application de la médecine et à son extension hors de son domaine classique. En matière de chirurgie esthétique, l'extension s'est produite. L'AMP est cependant différente dans la mesure où la chirurgie esthétique, comme d'autres approches, concerne la personne demandeuse. L'AMP concerne non seulement la personne demandeuse, mais aussi le futur enfant à naître.

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