Les deux rapporteurs soulignent un point central du projet de loi : l'amélioration de l'articulation entre l'administration fiscale et l'administration de la justice, non seulement pour poursuivre les fraudeurs dont les délits ont été identifiés mais aussi pour mieux identifier les fraudeurs eux-mêmes.
Je confirme que ce texte traduit la volonté très forte du Gouvernement d'améliorer l'efficience des dispositifs et de mobiliser les services du fisc, de la justice et de l'intérieur contre la fraude, y compris dans ses déclinaisons les plus sophistiquées comme la fraude en bande organisée ou l'utilisation de sociétés écrans et de trusts. Les évolutions que nous engageons pour atteindre cet objectif peuvent être perçues, en raison de leur ampleur, comme une rupture par rapport à l'état du droit et par rapport à l'organisation actuelle des services.
Plusieurs éléments vont contribuer à améliorer l'articulation entre les services et l'information du Parlement sur leur action.
En amont de la transmission des dossiers au juge, tout d'abord, nous devons être plus efficients dans l'identification des fraudeurs et leur appliquer des amendes. On ne saurait opposer ce qui relève de l'administration fiscale et ce qui relève du juge puisque ces amendes ont valeur de sanction pénale.
Dans la dernière loi de finances rectificative pour 2012, nous avions déjà pris des dispositions permettant de mieux identifier les flux financiers pouvant correspondre à des fraudes fiscales. C'est ainsi que l'État peut désormais taxer à 60 % les avoirs qu'un contribuable aura déposés sur un compte à l'étranger sans être en mesure de rétablir leur traçabilité. Nous avons également inversé la charge de la preuve s'agissant du transfert de bénéfices à des filiales : ce n'est plus à l'administration fiscale de prouver que le transfert a une motivation de fraude fiscale, mais à l'entreprise d'apporter la démonstration des raisons pour lesquelles elle a procédé à ce transfert.
De même, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires impose aux banques d'indiquer à Tracfin tous les mouvements qui pourraient révéler des fraudes fiscales, et de signaler la totalité de l'activité de leurs filiales à l'étranger.
Le présent texte va plus loin puisqu'il vise à établir comme circonstance aggravante de fraude fiscale le fait de la commettre en bande organisée ou en ayant recours à des sociétés écrans. Concernant ces affaires, la police judiciaire d'enquête fiscale pourra mobiliser des moyens qui ne lui étaient pas accessibles jusqu'à présent.
Dès lors que le parquet financier interviendra en aval et tout au long des enquêtes, nous améliorerons la relation entre la justice et l'administration fiscale, sachant que les deux administrations ont le pouvoir d'infliger des peines sévères aux fraudeurs. Dans ce dispositif, la commission des infractions fiscales constitue un filtre et non pas un écran. Les dossiers dont elle a à connaître doivent être transmis au juge en toute transparence, et le Parlement doit pouvoir s'en assurer. Nous sommes donc disposés à revoir sa composition, en adjoignant aux magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'État qui y siègent des magistrats de l'ordre judiciaire. Par ailleurs, il ne me paraît pas choquant que le Parlement ait connaissance des conditions de la transmission des dossiers. On lèverait ainsi certaines interrogations quant au rôle que jouerait cette commission soit pour obtenir des dossiers, soit pour éviter que certains autres ne soient transmis au juge.
En tout état de cause, le Gouvernement souhaite l'application immédiate de l'amende faisant suite au travail de l'administration fiscale et la transmission au juge de tout ce qui doit être transmis. La création du parquet financier permettra de doter l'administration judiciaire de nouveaux moyens, étant entendu que, depuis l'arrêt « Talmon » de 2008, le juge judiciaire peut se saisir des infractions de blanchiment de fraude fiscale et que l'administration fiscale lui transmet les éléments dont elle dispose pour faciliter son travail.
Enfin, la possibilité de saisir les biens des personnes morales ou physiques, y compris l'assurance-vie, en cas de constat de fraude fiscale via des sociétés écrans ou des comptes à l'étranger, sera fortement dissuasive. C'est donc un arsenal très coercitif que nous vous soumettons, et nous demandons aux fraudeurs de se mettre en conformité avec le droit dès à présent.