Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 5 juin 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

Je remercie, moi aussi, Philippe Duron de son teasing, qui n'est pas sans me rappeler cette campagne publicitaire de l'afficheur Avenir qui, en 1981, faisait dire à une superbe créature prénommée Myriam : « demain, j'enlève le haut » et « après-demain, j'enlève le bas ». Demain, vous nous présenterez le haut et après-demain, vous retirerez le bas des rêves territoriaux de plus d'un. (Murmures)

Au regard des objectifs que la commission a définis, je voudrais faire quelques observations de fond et de forme. Je prendrai pour cela l'exemple d'un dossier emblématique du SNIT, le canal Seine-Nord Europe, que vous connaissez bien, cher collègue Duron, puisque nous avons coprésidé ensemble pendant quelque temps le groupe d'étude sur les voies navigables au cours de la précédente législature.

Sur le fond, trois observations. En premier lieu, vous avez déclaré, lors de votre audition au Sénat : « Le périmètre de travail de cette commission est celui des projets inscrits au SNIT, à l'exception de ceux qui ont déjà été engagés ». C'est à ce titre que vous avez exclu de votre périmètre de travail l'aéroport Notre-Dame-des-Landes ainsi que la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, dont les travaux ne sont pas engagés, hormis quelques aménagements du côté italien. Or je me permets de vous rappeler que les travaux du canal Seine-Nord Europe, eux, précisément, étaient engagés, bien plus d'ailleurs que Notre-Dame-des-Landes et dans un consensus autrement plus important. Je vous invite à visionner l'excellent reportage diffusé le 20 mai par France télévisions, qui souligne que, au minimum, 230 millions d'euros ont été dépensés pour ce projet, avec notamment l'aménagement de travaux importants d'abaissement de l'autoroute A 29, sans compter les millions d'euros dépensés en achat de terres agricoles et en fouilles archéologiques. Ce dossier ne devait pas être dans « Mobilité 21 » car il était effectivement engagé. Pourquoi une telle différence de traitement ?

Au niveau ministériel, on nous dit que ce projet a été sous-évalué, qu'il est beaucoup trop cher, que l'État n'a pas les moyens. Je constate cependant que l'État sait trouver les budgets nécessaires quand il le veut, là où il le veut. Ainsi, le 6 mars dernier, lors de son déplacement à Marne-la-Vallée sur le thème du Grand Paris, le Premier ministre a déclaré : « Le nouveau Grand Paris est financé par le réseau existant. J'ai décidé d'affecter 2 milliards d'euros supplémentaires aux opérations de modernisation et de développement de ce réseau. Tous les chantiers seront donc mis en oeuvre, dont les tramways, et notamment ceux qui me tiennent à coeur ». Pourquoi, là aussi, une telle différence de traitement ?

Enfin, toujours sur le fond, permettez-moi de rappeler que Seine-Nord Europe n'est pas un projet franco-français, c'est un projet européen au même titre que la ligne Lyon-Turin. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ces deux dossiers figurent parmi les cinq projets européens d'infrastructures prioritaires retenus par l'Union européenne. J'ai rencontré récemment, avec le président de VNF, le ministre belge des transports. Je peux vous dire qu'il ne comprend pas l'attitude unilatérale de la France sur ce dossier, alors que les Belges ont aussi dépensé des millions d'euros en travaux préparatoires. Ce projet relevait d'un accord européen, il ne devait pas être dans « Mobilité 21 ». Pourquoi une telle différence de traitement ?

Sur la forme enfin, je me bornerai à deux remarques. D'abord, en restant poli, j'observe une totale absence d'écoute vis-à-vis de ceux qui croient encore en ce projet de canal. Ainsi, j'ai demandé, au mois d'octobre 2012, à être auditionné par la commission « Mobilité 21 ». Pour toute réponse, j'ai reçu, au mois de décembre, un questionnaire qui n'était pas sans me rappeler les demandes de subvention que j'adresse au conseil général en tant que maire de ma commune : en quoi consiste le projet ? A-t-il fait l'objet d'études ? À quoi est-il destiné ?... On parle d'un canal qui a fait l'objet d'un montage et d'études depuis 1992, dont l'utilité publique a été déclarée et dont la procédure de dialogue compétitif a été lancée par le Président de la République en exercice. Avec quatre-vingt collègues parlementaires de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais de toutes tendances politiques, avec le maire d'Amiens et celui de Lille, j'ai demandé, le 15 février, à être entendu par le Premier ministre. Trois mois plus tard, j'ai reçu la réponse suivante : je n'ai pas le temps de vous recevoir.

Toujours sur la forme, je ne comprends pas bien comment s'articule le travail de votre commission avec la mission spécifique confiée par le ministre des transports à notre collègue Rémi Pauvros sur la reconfiguration du canal. D'un côté, vous allez rendre vos conclusions ce mois-ci, de l'autre côté, Rémi Pauvros rendra les siennes pour partie à l'automne prochain et pour partie au premier trimestre 2014. Pourquoi reconfigurer ce canal s'il est en bas de la liste ? Et, s'il est en haut de la liste, avons-nous le temps de le reconfigurer ?

Bref, tant sur le fond que sur la forme, nous sommes nombreux à considérer qu'il y a un vrai problème de continuité des engagements de l'État sur ce dossier.

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