J'habite au Royaume-Uni. Je puis donc témoigner de ce que l'affaire Prism fait grand bruit là-bas, donnant sans doute lieu à une certaine hystérie collective. En tout cas, elle a le mérite de révéler à l'opinion publique le fait que la surveillance des données personnelles peut être utilisée par des acteurs du numérique comme par des pouvoirs publics.
Cela étant, un sondage publié cet après-midi par YouGov démontre que 51 % des Britanniques trouveraient normal qu'un État utilise des logiciels pour accéder à des données personnelles…
Il y a vingt ans, la question de la surveillance se posait en termes d'écoutes téléphoniques. Aujourd'hui, à l'ère du numérique, c'est la surveillance en ligne qui apparaît plus préoccupante, notamment dans les pays qui portent atteinte aux droits de l'homme. Reporters sans frontières, dans son rapport annuel concernant les ennemis d'Internet, citait l'exemple comme la Syrie, la Chine, l'Iran, le Bahreïn ou le Vietnam, qui utilisent des produits commerciaux destinés à la surveillance des données, vendus par des entreprises domiciliées dans des États démocratiques occidentaux pour surveiller des militants des droits de l'homme, des journalistes, des blogueurs, des cyberactivistes.
Dans ce contexte de guerre des armes numériques, pensez-vous utile – puisqu'un projet de loi est attendu – d'inscrire dans une sorte d'habeas corpus numérique – peut-être sous la forme d'une « constitution numérique » comme au Brésil – des principes comme ceux que vous avez cités – la neutralité du net, le droit à l'oubli, la portabilité des droits, mais aussi, peut-être, la traçabilité des produits de surveillance, voire la responsabilité des entreprises qui vendraient ces produits à des régimes non démocratiques ?