Intervention de Jean-Marc Manach

Séance en hémicycle du 11 juin 2013 à 15h00
Débat sur internet et la protection des données personnelles — Table ronde

Jean-Marc Manach, journaliste :

Comme l'ont montré l'exemple de la HADOPI et les multiples manifestations de l'effet Streisand, le blocage est contreproductif.

Dans le rapport de la commission d'enquête sur les services de renseignement, publié la semaine dernière, le juge Trévidic souligne qu'à l'heure actuelle, 100 % des personnes inculpées pour terrorisme le sont en partie grâce à Internet et 80 % uniquement grâce à ce moyen. Par conséquent, vouloir bloquer les sites pédophiles et les sites terroristes revient à empêcher les policiers de faire leur travail, c'est-à-dire d'identifier les personnes fréquentant ces sites. En fait, le blocage est contreproductif à la fois en ce qu'il est inefficace techniquement – parce qu'il existe toujours des moyens de contourner les mesures de blocage – et en ce qu'il gêne le travail de la police, qui surveille les personnes fréquentant les sites interdits.

Pour ce qui est du « consommateur consommé » évoqué tout à l'heure par M. Rogemont, je vais essayer de tirer le débat vers le haut. Dernièrement, l'Assemblée a voté un amendement du Gouvernement visant à mettre fin à la promotion des logiciels libres dans l'éducation nationale, ce qui est proprement scandaleux. Si l'on veut que les gens contrôlent leurs ordinateurs plutôt que d'être contrôlés par eux, qu'ils contrôlent leurs données personnelles et soient conscients des enjeux qui s'y rapportent, ils doivent être poussés à utiliser des logiciels libres. À défaut, ils vont continuer à se comporter uniquement comme des consommateurs, qui se contentent d'acheter un logiciel commercial et d'appuyer sur le bouton sans lire le contrat et sans savoir comment fonctionne Internet. Ainsi, à l'heure actuelle, on ne forme pas les gens à utiliser des tableurs : on les forme à utiliser Excel.

Pour ma part, je n'ai pas de problème avec Facebook. Je l'utilise, mais je veille à ne rien y mettre de ma vie privée : je n'y mets que des informations relevant de ma vie publique et que j'ai envie de partager. Je n'ai pas de problème non plus avec la publicité ciblée, que je bloque grâce au logiciel Adblock – et pour la confidentialité, je supprime les cookies et je vide mon historique de temps en temps. Bref, je me donne les moyens de contrôler mon ordinateur, grâce aux logiciels libres. C'est pourquoi le fait que, la semaine dernière, le Gouvernement ait refusé que les enfants puissent avoir un accès à l'ordinateur sans forcément passer par telle ou telle marque de logiciel me paraît revenir à se tirer une balle dans le pied : en agissant ainsi, on laisse penser qu'à l'école, on forme d'abord des consommateurs avant de former des citoyens, ce qui n'est évidemment pas normal.

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