Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 11 juin 2013 à 15h00
Débat sur internet et la protection des données personnelles — Débat

Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

C'est là un sujet absolument décisif, surtout lorsqu'on a l'ambition, comme ce gouvernement, de porter la numérisation de tous les pans de la société. Car c'est bien là l'objectif de la feuille de route gouvernementale sur le numérique adoptée en février dernier, et à laquelle tous les ministères ont contribué : innerver toutes les politiques publiques par le numérique.

C'est aussi l'objectif du plan Très haut débit que j'ai mis en place, à la demande du Président de la République, pour apporter la fibre dans toute la France d'ici à dix ans – parce qu'Internet, demain, doit être à très haut débit. C'est encore l'objectif des mesures pour le numérique à l'école que nous avons annoncées hier avec Vincent Peillon ou, dans un autre registre, le soutien à l'application de la LICRA que j'ai lancée ce matin.

Ce gouvernement porte une véritable ambition numérique. Il porte aussi et surtout une vision de l'Internet, dont je veux ici vous présenter les contours. Premièrement, nous considérons qu'Internet doit être ouvert. Devenu un moyen essentiel de la liberté d'expression, c'est un outil radical et unique pour l'émancipation des peuples – on l'a vu hier, on le verra à coup sûr encore demain.

Reste que cette liberté, comme toutes les libertés d'ailleurs, peut être utilisée en bien ou en mal, et que la frontière est parfois ténue. Il y a d'un côté les révolutions arabes et le formidable impact des réseaux sociaux comme outil de mobilisation, et d'un autre côté, plus proche de nous, l'affaire Prism, aux États-Unis, dont nous aurons sans doute l'occasion de parler. On doit donc prendre en considération les deux faces d'une même liberté.

Internet est aussi une source d'innovation sans précédent pour nos entreprises, comme l'attestent les 4 000 start-up du numérique existant en Île-de-France. J'en dressais le constat hier encore au Grand lieu de l'innovation intégrée, qui constituera un accélérateur, un incubateur de start-up.

Que l'on songe enfin aux apports du numérique pour les services publics, aussi bien nationaux que locaux, qu'il s'agisse par exemple de payer son impôt – voilà qui est également d'actualité, même si ce n'est pas très agréable – ou simplement de se repérer dans une gare.

Tous ces apports constituent des révolutions, dans la mesure où ils changent au quotidien la vie de nos concitoyens, des usagers et des consommateurs, et ils ont eu lieu grâce à un Internet libre et ouvert.

C'est bien l'ouverture, l'échange, la facilitation des communications que nos concitoyens plébiscitent au travers d'Internet. Cet attachement à un Internet ouvert va de pair avec le respect des libertés et de la vie privée.

S'agissant de cette dernière question, l'exploitation des données personnelles offre de nouvelles perspectives formidables en termes de services et de développement économique, mais nous conduit à nous interroger dans le même temps sur l'encadrement juridique à mettre en place.

La protection des données personnelles est donc devenue un enjeu majeur, tant du point de vue de la préservation des libertés que du point de vue économique.

La France connaît en la matière une tradition ancienne, puisqu'elle a créé la première autorité de protection des données en Europe, la CNIL, en 1978. Cette même année, le Parlement a adopté la loi CADA relative à l'accès aux documents administratifs. Cela marque le début de l'open data et de la politique d'ouverture des données.

Nous connaissons donc bien ces sujets depuis trente- cinq ans.

Si les principes fondamentaux de notre République sont immuables, le monde change. Aussi nous faut-il respecter les libertés individuelles et la vie privée, tout en nous adaptant à un monde nouveau où les données, traitées en quantités astronomiques, sous toute forme et à tout instant, sont devenues d'importantes sources de valeur et de richesse pour nos entreprises.

Ces questions ne se traitent évidemment pas dans le seul cadre national : la dimension européenne revêt une importance de premier plan. Il nous faut protéger nos données hors de l'Europe.

S'agissant en particulier de la question des transferts de données hors de l'Europe, nos entreprises – françaises et, plus généralement, européennes – ne doivent pas subir davantage de contraintes que leurs concurrentes extra-européennes du seul fait qu'elles respectent la loi et protègent les données.

À l'inverse, les données de nos concitoyens ne doivent pas être détournées, transférées ou réutilisées à volonté dès qu'elles quittent l'Europe, à leur insu dans certains cas.

Depuis l'adoption de la directive de 1995, notre droit protège les données en cas de transfert vers des zones où elles ne sont pas protégées. Ce débat demeure d'actualité : nous devons garantir la protection des données de nos concitoyens, même à destination de pays extérieurs à l'Europe.

Voilà l'un des enjeux majeurs du projet de règlement européen actuellement en discussion, sur lequel nous reviendrons certainement au cours de ce débat.

Ce règlement européen influencera forcément le contenu du prochain projet de loi numérique, annoncé pour 2014 par le Premier ministre et évoqué lors du séminaire gouvernemental de février dernier. Avec le ministère de la justice et celui de l'intérieur, nous tiendrons naturellement compte, dans le cadre de la rédaction de ce projet de loi, du projet de règlement sur le secteur marchand et du projet de directive sur les fichiers publics – autrement dénommés fichiers souverains.

S'agissant du contenu du projet de loi numérique à venir, ainsi que de l'ensemble du champ de la protection des données personnelles, je me réjouis du temps de débat que nous allons avoir et j'espère qu'il me permettra de vous préciser les intentions du Gouvernement en la matière.

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