J'ai deux questions à vous poser, madame la ministre.
Je voudrais d'abord revenir un peu à la charge après l'interpellation de Laurence Dumont sur la constitutionnalisation de la protection des données personnelles et, peut-être plus largement, sur la façon dont les libertés fondamentales qui sont aujourd'hui exercées par et grâce à l'Internet peuvent être protégées dans notre Constitution comme elles le sont déjà plus ou moins, ou pas à pas, par la loi.
Quand on parle, par exemple, d'habeas corpus numérique, cela signifie que la protection des données personnelles peut être un principe constitutionnel. Il appartient au législateur et à la jurisprudence de construire le droit autour d'un principe, mais ce dernier peut gagner à figurer dans le bloc de constitutionnalité. Je le dis d'autant plus volontiers que le Conseil national du numérique a proposé que soit constitutionnalisé le principe de neutralité. À titre personnel, je n'y verrais que des avantages.
Il y a des principes à inscrire dans la Constitution ; la loi leur donnera ensuite des déclinaisons plus pratiques. Le Conseil constitutionnel lui-même, dans sa décision sur la loi HADOPI, a fait de l'accès à l'Internet une liberté fondamentale. On voit émerger peu à peu un ensemble de principes qui sont autant de libertés fondamentales et qui gagneraient à être inscrits dans notre Constitution. Je ne dis pas qu'il faut le faire la semaine prochaine, mais ce serait intéressant dans les années qui viennent.
D'autant que la reconnaissance des libertés n'a jamais empêché le développement d'un secteur. La liberté de la presse, ainsi, n'a jamais empêché le développement de la presse. De la même façon, les principes que nous évoquons, neutralité et protection des données personnelles, n'entravent pas forcément l'innovation. Souvent, les entraves viennent de ce que de très gros acteurs s'y opposent à l'innovation venant d'acteurs plus petits ; dans l'écosystème numérique, c'est plutôt là que se nichent les blocages.
Il y a donc une réflexion à avoir sur cette constitutionnalisation possible. Ce n'est pas du fétichisme juridique, mais plutôt une aspiration démocratique, qu'il faut bien sûr rendre compatible avec le monde numérique. Comme Laurence Dumont, je pense que ce pourrait être une bonne chose.
Ma seconde question est beaucoup plus courte. S'agissant des données personnelles, des propositions vous ont été faites il y a quelque temps : nous avons auditionné, dans le même groupe d'études, Nicolas Colin. Il s'agit de la fiscalisation de l'usage des données personnelles. Par curiosité, je souhaiterais savoir si vous entendez donner un début de suite à cette proposition très créative.